lundi 30 avril 2012

521



«  Le monstre ne pourra pas s'empêcher de rire, lui dit-elle, et dès l'instant qu'il rit, c'en est fini de lui. »

dimanche 29 avril 2012

520



« Mais, se levant derrière elle, il passerait ses bras sous les siens et lui saisirait les deux seins, sachant que cette fois, parce qu'il ne voyait plus son visage, elle ne bougerait pas ; il l'embrasserait sur la nuque en relevant ses cheveux, et à la petite secousse brusque qui passerait le long de son coup, il devinerait ses yeux grands ouverts. »

samedi 28 avril 2012

519



« Tout à l'heure, à peine entrée, Irmgard essayerait l'élasticité du lit d'un coup de reins, comme elle le faisait toujours ; elle le regarderait un instant de côté derrière ses cils, les bras étendus à plat — à peine serait-il assis au bord du lit, un autre coup de reins la mettrait debout, lui tournant le dos, et la jetterait vers la fenêtre qu'elle ouvrirait à deux battants . »

vendredi 27 avril 2012

518



« Le plancher était récuré comme un pont, blanchi de lessive et de sel — on eût dit que les murs même venaient d'être rincés à grande eau. « Il n'est pas possible qu'une chambre soit plus claire » pensa Simon en plissant les yeux de plaisir, et l'air libre et fouetté des vacances l'éclaboussa si brusquement qu'il lança sa valise sur le lit, l'ouvrit, peupla sa penderie en un tour de main et — si soudaine était l'envie de sentir sur sa peau la toile fraîche, et l'air autour de son cou — commença à se déshabiller. Il pensa pourtant qu'il allait infliger à Irmgard, tout à l'heure, la gêne que son enfance avait connue si bien : débarquer en tenue de voyage, une valise à la main, devant ses vêtements clairs, comme une villageoise que promène un train de plaisir... « J'ai un quart d'heure devant moi avant de partir, pensa Simon, je vais me détendre. » Il sentait à sa nuque et à ses talons le toucher glacé du couvre-lit d'indienne. »

jeudi 26 avril 2012

517



« La chambre s'ouvrait sur la mer, juste en face du port — mais plutôt comme s'ouvre sur le décor une avant scène de théâtre, tellement l'impression de proximité était forte, et brusque l'envie de s'accouder au balcon sur lequel donnait la porte-fenêtre : une loge de mer plutôt qu'une chambre, pensa Simon, se rappelant ce nom qui lui plaisait : les voiles des barques passaient si près qu'elles y jetaient de l'ombre, lentes et processionnelles ainsi que les nuages du beau temps. Quand on s'éloignait vers la porte, les entrelacs paresseux des mouettes se nouaient seuls dans l'encadrement et paraissaient la balancer sur l'eau. »

mercredi 25 avril 2012

516



« J'avais inventé une forme de désintérêt
qui ne me reliait à la réalité,
comme une araignée,
que par un fil invisible »

mardi 24 avril 2012

515



« Tout cela me fait mal à la tête... J’aime mieux ramasser mes feuilles. »

lundi 23 avril 2012

514



« Et voici que les beaux cygnes, l’un après l’autre, troublés, par ce bruit, au profond de leurs sommeils, se détiraient onduleusement la tête de dessous leurs pâles ailes d’argent, – et, sous le poids de l’ombre de Bonhomet, entraient peu à peu dans une angoisse, ayant on ne sait quelle confuse conscience du mortel péril qui les menaçait. Mais, en leur délicatesse infinie, ils souffraient en silence, comme le veilleur, – ne pouvant s’enfuir, puisque la pierre n’était pas jetée ! Et tous les cœurs de ces blancs exilés se mettaient à battre des coups de sourde agonie, – intelligibles et distincts pour l’oreille ravie de l’excellent docteur qui, – sachant bien, lui, ce que leur causait, moralement, sa seule proximité, – se délectait, en des prurits incomparables, de la terrifique sensation que son immobilité leur faisait subir. »

dimanche 22 avril 2012

513



« Qu’il est doux d’encourager les artistes ! se disait-il tout bas. »

samedi 21 avril 2012

512



« Vous aurez papa d'un côté et maman de l'autre et vous ne les apercevrez jamais plus ensemble, ils seront chacun dans une cabane, n'ayez pas peur, ce n'est pas l'histoire du Petit Poucet, papa et maman ne vous abandonneront pas, au contraire, ils se battront pour vous avoir l'un et l'autre, ils deviendront ennemis pour vous garder. Vous verrez, c'est une grande aventure, papa et maman voudront tout le temps vous faire plaisir, vous aurez deux Noël et deux anniversaires, et aussi deux chambres et deux télévisions. [...] Vous pourrez vous permettre presque tout parce que vous souffrirez, vous entendrez dire que vous êtes perturbés, vous aurez de mauvaises notes à l'école et ce sera normal, vous aurez de bonnes notes et ce sera inespéré, vous aurez des migraines, vous aurez mal au ventre et ce sera logique, quoi que vous fassiez ce sera la faute de vos parents séparés. »

vendredi 20 avril 2012

511



« Méduse! Orchidée! »

jeudi 19 avril 2012

510



« Ma plus grande tristesse n’aurait pas été d’être abandonné par celle de ces jeunes filles que je préférais, mais j’aurais aussitôt préféré parce que j’aurais fixé sur elle la somme de tristesse et de rêve qui flottait indistinctement entre toutes, celle qui m’eût abandonné. Encore dans ce cas est-ce toutes ses amies, aux yeux desquelles j’eusse bientôt perdu tout prestige, que j’eusse, en celle-là, inconsciemment regrettées, leur ayant avoué cette sorte d’amour collectif qu’ont l’homme politique ou l’acteur pour le public dont ils ne se consolent pas d’être délaissés après en avoir eu toutes les faveurs. »

mercredi 18 avril 2012

509



« Cependant le voisin marié du solitaire est revenu; devant la beauté de la jeune épouse et la tendresse que son mari lui témoigne, le jour où l’ami est forcé de les inviter à dîner, il a honte du passé. Déjà dans une position intéressante, elle doit rentrer de bonne heure, laissant son mari; celui-ci, quand l’heure est venue de rentrer, demande un bout de conduite à son ami, que d’abord aucune suspicion n’effleure, mais qui, au carrefour, se voit renversé sur l’herbe, sans une parole, par l’alpiniste bientôt père. »

mardi 17 avril 2012

508



« Je ne suis que la coquille de ce que j’étais il y a douze ans. En vieillissant, nous devenons des animaux différents. Surtout les femmes. »

lundi 16 avril 2012

507



« Elle m'a embrassé sans émotion dans les vignes, et elle s'est éloignée le long de la rangée. A douze pas, on s'est retournés, car l'amour est un duel, et on s'est regardés pour la dernière fois. »

dimanche 15 avril 2012

506



« Production ! Encore des écrous et des boulons, encore du fil de fer barbelé, encore des biscuits pour chiens, encore des faucheuses mécaniques pour pelouse, encore des roulements à billes, encore des explosifs à grande puissance, encore des tanks, des gaz asphyxiants, du savon, de la pâte dentifrice, des journaux, de l'éducation, des églises, des bibliothèques, des musées, encore, encore, encore ! En avant ! Le temps presse. »

samedi 14 avril 2012

505



« Là est assis Sigurd,
Aspergé de sang.
Le cœur de Fafnir,
Sur le feu, il fait rôtir.
Sage me semblerait
Le dilapidateur des anneaux
S’il mangeait l’étincelant
Muscle de Vie. »

vendredi 13 avril 2012

504



« Sed noua pestis adest, cui nec uirtute resisti
nec telis armisque potest ; pulmonibus errat
ignis edax imis perque omnes pascitur artus.
At ualet Eurystheus ; et sunt qui credere possint
esse deos ? » Dixit perque altam saucius Oeten
haud aliter graditur, quam si uenabula taurus
corpore fixa gerat factique refugerit auctor.
Saepe illum gemitus edentem, saepe trementem,
saepe retemptantem totas infringere uestes
sternentemque trabes irascentemque uideres
montibus aut patrio tendentem bracchia caelo. »

Mais ceci est un fléau nouveau : ni ma valeur, ni mes traits
ni ma cuirasse ne peuvent lui résister ; dans mes poumons
circule  un feu dévorant et il se repaît de tous mes membres.
Eurysthée, lui, est bien vivant ; et il est des gens pour croire
à l'existence des dieux ? ». Il dit et, en dépit de ses blessures,
il arpente le sommet de l'Oeta, tel un taureau au corps chargé d'épieux
qu'y aurait fichés un chasseur avant de prendre la fuite.
On aurait pu le voir tantôt poussant des gémissements,
tantôt tremblant, tantôt essayant de déchirer tous ses vêtements,
abattant des troncs d'arbres, s'emportant contre les montagnes
ou tendant les bras vers le ciel, royaume de son père.

jeudi 12 avril 2012

503



« O magne Olympi rector, et mundi arbiter,
Iam statue tandem grauibus aerumnis modum,
Finemque cladi! Nulla lux unquam mihi
Secura fulsit : finis alterius mali
Gradus est futuri. Protenus reduci nouus »  

« Dominateur de l'Olympe, arbitre du monde, mettez enfin un terme à mes douleurs. Pour moi jamais un jour paisible : un malheur toujours en appelle un autre. A peine mon époux est-il de retour, qu'on lui suscite un nouvel ennemi. »

mercredi 11 avril 2012

502



« L’univers ne prendra jamais fin parce que au moment précis où les ténèbres semblent avoir tout recouvert, l’emporter vraiment, alors de petites étincelles de lumière jaillissent à nouveau dans les profondeurs mêmes. C’est ainsi que vont les choses. Quand la semence tombe, elle s’enfonce dans le sol. Et, en-dessous, invisible, elle prend vie. »

mardi 10 avril 2012

501



« Il y a un an, il y a six mois, je pensais que j'étais un artiste. Je n'y pense plus, je suis ! Tout ce qui était littérature s'est détaché de moi. Plus de livre à écrire, Dieu merci ! »

lundi 9 avril 2012

500



« Le monde est beau et vaut la peine qu'on se batte pour lui, et j'ai horreur de le quitter. »

dimanche 8 avril 2012

499



« What really knocks me out is a book that, when you're all done reading it, you wish the author that wrote it was a terrific friend of yours and you could call him up on the phone whenever you felt like it. That doesn't happen much, though »

samedi 7 avril 2012

498



« Quand je résidais à Eze, dans la petite chambre (agrandie par une double perspective, l’une ouverte jusqu’à la Corse, l’autre par-delà le Cap Ferrat) où je demeurais le plus souvent, il y avait (elle y est encore), pendu au mur l’effigie de celle qu’on a nommée « l’inconnue de la Seine », une adolescente aux yeux clos, mais vivante par un sourire si délié, si fortuné (voilé pourtant), qu’on eût pu croire qu’elle s’était noyée dans un instant d’un extrême bonheur. Si éloignée de ses oeuvres, elle avait séduit Giacometti au point qu’il recherchait une jeune femme qui aurait bien voulu tenter à nouveau l’épreuve de cette félicité de la mort. »

vendredi 6 avril 2012

497



« En parlant, la beauté des intonations, la variété des regards, la proximité des corps bâtissent une fiction où ceux qui s'entretiennent s'enferment, à laquelle ils se dessaisissent plutôt qu'ils ne lui donnent cours. L'expression du désir engendre le désir que cette expression fonde, puis l'affole, l'amplifie, parler marquant de soi un tel manque que le désir aussitôt s'engouffre dans la brèche qu'il ne cesse pas de présenter. »

jeudi 5 avril 2012

496



« Monsieur, me feras-tu l'honneur, prends le sang à cette source
et fais-en une paire de gants.
»

mercredi 4 avril 2012

495



« Si je n'éprouve rien pour vous, c'est-à-dire s'il n'y a pas de rapport entre vous et moi, comment pourrais-je faire l'amour ? Ce serait un acte mécanique, extérieur, tout à fait inutile et profondément ennuyeux. »

mardi 3 avril 2012

494



« Mon ventre se boursoufle, cloques mordorées et mauves, veinures brunes palpitantes. Un à un les abcès se crèvent pour expulser des faces dénaturées, vacances globes occulaires, mâchoires hypertrophiées, narines trouées pleine peau. Des stries aiguës et blêmes, une clameur lancinante, le chœur se forme, s’impose, rictus et contorsions, avidité des cris, encerclement fatal, leurs mots une grêle, syntaxe de plomb. »