mercredi 30 novembre 2011

376



« (à l’image de cette pieuvre que Hokusai, dans l’une de ses estampes les plus célèbres, intitulée Le Rêve de la femme du pêcheur, a représentée entre les cuisses d’une belle endormie et dont les tentacules étreignent le corps nu) »

mardi 29 novembre 2011

375



«Plus tard, c’est ce qui les fascinerait le plus : que leur rencontre n’ait tenu qu’à un fil.»

lundi 28 novembre 2011

374



« Si Bouvard et Pécuchet vivaient aujourd'hui, ils passeraient leur temps à poster des statuts stupides sur Facebook et seraient très fiers d'eux. »

dimanche 27 novembre 2011

373



« — C’est vrai. Je n’ai jamais oublié ces mots. Pour en revenir à mon histoire, j’ai vite surmonté ma joie de revoir un visage connu. Je lui ai dit « Sharkkho »…
— Avec un nom pareil, comment avais-tu pu lui faire confiance ? demanda Alice.
Il prétendait que c’était un nom tchèque qui voulait dire « honorable ». Un mensonge naturellement, comme tout le reste. Toujours est-il que j’avais presque décidé qu’il valait mieux nous retirer, Monat et moi, en attendant votre retour pour pouvoir les chasser en force. Mais quand j’ai reconnu Sharkko, je suis entré dans une telle rage que je lui ai dit : « Je suis bien content de revoir ta sale gueule après tout ce temps. Surtout dans un endroit où il n’y a ni flics ni tribunaux. » »

samedi 26 novembre 2011

372



« Fridolin était comme ivre, non seulement de la présence de cette femme, de son corps parfumé, de sa bouche incarnate, non seulement de l'atmosphère de cette pièce, des mystères voluptueux dont il se trouvait entouré; - il était à la fois enivré et assoiffé de tous les événements de cette nuit dont aucun n'avait connu de conclusion, et aussi de lui-même, de sa témérité, de la métamorphose qu'il sentait s'opérer en lui. Et du bout des doigts, il toucha le voile qui cachait la tête de la jeune femme, comme s'il voulait le lui enlever. »

vendredi 25 novembre 2011

371



« La vie était effectivement partout mais pas humaine. Il fit braquer l'oeil du satellite sur ce qu'il voulut. Les villes, les mégapoles, les anciens bouillons, les retraites. Les ermitages. Les forêts tropicales pleines de primitifs en étui pénien et cordes à seins. Les déserts. Tous vides. Grouillants d'une activité parfois débordante mais pas humaine. Rien moins qu'humaine. Les grands centres, les côtes américaines, les côtes australiennes, l'Europe, le Japon, les choses économiquement développées trépignaient d'infections mais pas d'humains. Il fouilla les gorges les plus profondes, les grottes cachées, les montagnes les plus hautes, la moindre cahute, il dut se rendre à l'évidence. La conclusion du rapport d'analyse qu'il demanda à l'ordinateur central fut, l'ultime conclusion, que le major Echampson était le dernier survivant repérable de la race Homo sapiens sapiens. Encore qu'on n'en ait pas d'image et qu'à proprement parler, on ne l'avait pas observé.
Elle s'assit dans sa tête et murmura c'est foutu. Nous sommes foutus. Vous auriez été une femme Stevens, vous auriez pu vous enfiler des éprouvettes de sperme dégelé dans l'utérus. Vous taper ensuite vos fils et vos petits fils comme on fait d'habitude dans ces cas-là et vivre une belle vie, tout reprendre. Mais il se trouve que non. C'est vous le survivant, je vous plains. »

jeudi 24 novembre 2011

370



« Dan se retourna et baissa les yeux, fixant le sol, là où j'avais laissé tomber la souris. Au début, il ne se rendit pas compte qu'il y avait quelque chose d'anormal, puis il regarda avec horreur et fascination la créature qui se tenait, toute tremblante et parcourue de frissons, sur le parquet verni, refusant ou incapable de bouger. »

mercredi 23 novembre 2011

369



« Il la saisit alors avec férocité, il la place comme il avait fait de moi, les bras soutenus au plancher par deux rubans noirs : je suis chargée du soin de poser les bandes ; il visite les ligatures : ne les trouvant pas assez comprimées, il les resserre, afin, dit-il, que le sang sorte avec plus de force ; il tâte les veines, et les pique toutes deux presque en même temps. Le sang jaillit très loin : il s'extasie ; et retournant se placer en face, pendant que ces deux fontaines coulent, il me fait mettre à genoux entre ses jambes, afin que je suce ; il en fait autant à chacun de ses gitons, tour à tour, sans cesser de porter ses yeux sur ces jets de sang qui l'enflamment. Pour moi, sûre que l'instant où la crise qu'il espère aura lieu, sera l'époque de la cessation des tourments de la comtesse, je mets tous mes soins à déterminer cette crise, et je deviens, ainsi que vous le voyez, madame, catin par bienfaisance et libertine par vertu. »

mardi 22 novembre 2011

368



« C’est que la nature de la femme et le rôle que l’homme lui donne actuellement font d’elle son ennemie : elle ne peut être que son esclave ou son tyran, mais jamais sa compagne. C’est seulement lorsqu’elle lui sera égale en droits, quand elle le vaudra par l’éducation et le travail, qu’elle pourra le devenir. Etre le marteau ou l’enclume, nous n’avons pas d’autre choix aujourd’hui. »

lundi 21 novembre 2011

367



« Et, vaguement, elle percevait une des grandes lois de l'âme humaine: quand l'être reçoit un choc violent qui ne tue pas le corps, l'âme semble guérir en même temps que le corps. Mais ce n'est qu'une apparence. Il n'y a plus que le mécanisme de l'habitude reprise. Lentement, lentement, la blessure de l'âme commence à se manifester, comme une meurtrissure d'abord légère, mais qui, à la longue, enfonce toujours plus profondément sa douleur, jusqu'à remplir l'âme entière. Et, quand nous croyons que nous sommes guéris et que nous avons oublié, c'est alors que le terrible contrecoup se fait le plus cruellement sentir. »

dimanche 20 novembre 2011

366



« Parfois, dans la rue, ou ailleurs, j'ai envie de m'effondrer en larmes tant le regard des yeux sur moi me blesse. Il y a de la haine de la part des hommes et des femmes et, de la part de certains hommes, le désir de m'avilir par leur sexe. »

samedi 19 novembre 2011

365



« Les petits sortaient de leur silence. Ils se rappelaient leurs chagrins personnels, ou bien percevaient-ils confusément qu'ils partageaient un chagrin universel ? »

vendredi 18 novembre 2011

364



« Lecteur, un mot, ici. - Lorsque Stendhal voulait écrire une histoire d'amour un peu sentimentale, il avait coutume, on le sait, de relire, d'abord, une demi-douzaine de pages du Code pénal, pour, - disait-il, - se donner le ton. Pour moi, m'étant mis en tête d'écrire certaines histoires, j'avais trouvé plus pratique, après mûre réflexion, de fréquenter, tout bonnement, le soir, l'un des cafés du passage de Choiseul où feu M. X***, l'ancien exécuteur des hautes-œuvres de Paris, venait, presque quotidiennement, faire sa petite partie d'impériale, incognito. C'était, me semblait-il, un homme aussi bien élevé que tel autre; il parlait d'une voix fort basse, mais très distincte, avec un bénin sourire. Je m'asseyais à une table voisine et il me divertissait quelque peu lorsque emporté par le démon du jeu, il s'écriait brusquement: "- Je coupe!" sans y entendre malice. Ce fut là, je m'en souviens, que j'écrivis mes plus poétiques inspirations, pour me servir d'une expression bourgeoise. - J'étais donc à l'épreuve de cette grosse sensation d'horreur convenue que causent aux passants ces messieurs de la robe courte. »

jeudi 17 novembre 2011

363



« Mais maintenant que Clifford s'engageait dans cette nouvelle maladie d'activité industrielle, devenait presque un animal, avec, au-dehors, une dure carapace d'utilité pratique, et, au-dedans, une pulpe molle, un de ces extraordinaires animaux, crabes ou langoustes, du monde moderne, industriel et financier, invertébrés de l'ordre des crustacés, avec des carapaces d'acier, comme des machines, et des intérieurs de pulpe molle, Constance elle-même se sentait complètement perdue. »

mercredi 16 novembre 2011

362



« - D'accord, a répondu Mercedes. Au fait, on a baisé, hier soir ?
- Nom de Dieu ! Tu ne te souviens pas ? On a bien dû baiser pendant cinquante minutes !
Je ne parvenais pas à y croire. Mercedes ne semblait pas convaincue.
On est allé au coin de la rue. J'ai commandé des oeufs au bacon avec du café et des toasts. Mercedes a commandé une crêpe au jambon et du café.
La serveuse a apporté la commande. J'ai attaqué mes oeufs. Mercedes a versé du sirop sur sa crêpe.
- Tu as raison, elle a dit, on a dû baiser. Je sens ton sperme dégouliner le long de ma jambe. »

mardi 15 novembre 2011

361



« -Alors comment définis-tu un être humain ?
-Quand la Deuxième Loi m'oblige à obéir à un être humain, je dois l'interpréter comme une obéissance à un être humain qui est habilité, du fait de son esprit, de sa personnalité et de ses connaissances, à me donner cet ordre; et quand il s'agit de plus d'un homme, celui parmi eux qui est le plus habilité du fait de son esprit, de sa personnalité et des ses connaissances, à me donner cet ordre.
-Et dans ce cas, comment peux-tu obéir à la Première Loi ?
-En sauvant tous les être humains et sans jamais, par mon inaction, permettre que l'un d'eux soit en danger. Cependant, si dans toutes les actions possibles, des êtres humains se trouvent en danger, en agissant alors de la sorte que le meilleur d'entre eux, du fait de son esprit, de sa personnalité et de ses connaissances, subisse le moins de mal possible.
-Nous sommes bien d'accord, murmura Georges Dix. Maintenant je dois te poser la question pour laquelle au départ j'ai demandé qu'on t'associe à moi. C'est quelque chose que je n'ose pas juger par moi-même. Je dois avoir ton avis, l'avis de quelqu'un qui se trouve en dehors de mon processus de pensées... Parmi les individus doués de raison que tu as rencontrés, lequel possède l'esprit, la personnalité et les connaissances supérieurs selon toi aux autres, si l'on ne tient pas compte de l'aspect extérieur, qui n'a rien à voir avec cela ?
-Toi, murmura Georges Neuf.
-Mais je suis un robot. Il existe dans les circuits de ton cerveau un critère qui te fait distinguer un robot métallique d'un être humain en chair et en os. Comment peux-tu alors me classer parmi les êtres humains ?
-Parce que les circuits de mon cerveau ressentent un besoin pressant de ne pas tenir compte de l'aspect extérieur dans le jugement d'un être humain, et ce besoin est plus fort que la distinction entre le métal et la chair. Tu es un être humain, Georges Dix, et bien supérieur aux autres.
-C'est ce que je pense de toi, dit Georges Dix. Grâce au critère de jugement que nous possédons, nous nous considérons comme des êtres humains dans toute l'acceptation des Trois Lois, et qui plus est, des être humains supérieurs aux autres.
Georges Neuf murmura:
-Que va-t-il se passer alors, quand les autres nous accepteront ?
Georges Dix répondit:
-Quand nous seront acceptés, ainsi que les autres robots, qui seront conçus plus perfectionnés que nous, nous consacrerons notre temps à essayer de former une société dans laquelle les êtres-humains-de-notre-sorte soient avant les autres protégés du malheur.
Selon les Trois Lois, les être-humains-de-leur-sorte sont d'un intérêt inférieur et on ne doit jamais leur obéir ni les protéger quand cela s'oppose à la nécessité de l'obéissance à ceux-de-notre-sorte et de le protection de ceux-de-notre-sorte. C'est à cause de cette idée que j'ai déclenché la robotisation du milieu écologique mondial. »

lundi 14 novembre 2011

360



« Dans une société où les gens ont plus ou moins ce qu'ils veulent sexuellement, il devient difficile de les motiver à acheter des réfrigérateurs et des voitures. »

dimanche 13 novembre 2011

359



« Comme une vie peut se résoudre en une poignée d’anecdotes. Quelques noms. Et quelques plaisirs itératifs. Le sexe, l’alcool, la vitesse, le crépuscule, l’aurore. Une aventure, une épopée. Comme celle du trou aux fées, ou ce que nous appelions ainsi, la source qui surgit à Vedoux, que tu cerclas pour en faire un bassin rond, fond de sable et de galets roulés, duquel sourd une eau à vingt et un degrés constants, chargée de gaz et d’un taux de microradioactivité auquel on attribue maintenant ses effets bienfaisants. Bouchée par une toile fée invisible aux Chrétiens. »

samedi 12 novembre 2011

358



« Que le lecteur claustrophobe se contienne. La détention dans l’espace est instruite par le texte des organes. On y est préparé. Son véhicule conduit là où la clôture des corps est déjouée. Elle ne possède plus l’attribut d’un obstacle. C’est un scaphandre moins l’étanchéité. Rendus, par son port, solubles au solide, on peut s’y produire. On ne doit percer la surface de la chose que pour en ressortir. On développe un couple. Il transmet la force d’inverser l’ordre des causes exigeant qu’on ouvre avant d’entrer. »

vendredi 11 novembre 2011

357



« si je t’écris
oui
cher
que hi my name is
Renée de Montréal
not too far
should should meet
believe we
’cause made to be
together
fondly
si je t’écris
oui
des lettres
qui disent
hi remember me in Ontario
you lumberjack
me planting trees
a sign it was a sign
tendrement »

jeudi 10 novembre 2011

356



« Un chapeau n'est pas un chapeau, dit le Chapelier Fou à Alice, soutenant de la main gauche sa tasse de thé fumante, ou pour le moins, pas qu'un chapeau. Observe un peu celui-ci, Tea for two, qui te va à merveille, si esthétique... Tu as perdu la tête à Paris pour un peintre bien peigné qui t'invite à son studio et te fait poser nue une éternité. Tu restes à grelotter de froid dans cet atelier ténébreux, tes dents jouent des castagnettes, là, comme une beauté nue, alors que lui continue de te peindre planté devant son chevalet, et pour te réchauffer il t'offre finalement thé et sympathie, un tripotement artistique qui t'excite terriblement et fait s'évanouir ta timidité. Ne sois pas timorée, te dit-il, te mettant comme bonnet sa propre casquette trouée qui à tes yeux ressemble à la palette qu'il n'a pas et qui te permet de constater dans le miroir fendu du fond que tu n'existes vraiment que sur la toile sur laquelle il est en train de t'envoûter. »

mercredi 9 novembre 2011

355



« -Je vais mourir ?
-POSSIBLE
-Vous vous amenez quand il est possible qu'on meure ?
-OH OUI. C'EST UN NOUVEAU TRUC. A CAUSE DU PRINCIPE D'INCERTITUDE.
-C'est quoi ça ?
-JE N'EN SUIS PAS SÛR. »

mardi 8 novembre 2011

354



« Ah, love, let us be true
To one another ! for the world, which seems
To lie before us like a land of dreams,
So various, so beautiful, so new,
Hath really neither joy, nor love, nor light,
Nor certitude, nor peace, nor help for pain ;
And we are here as on a darkling plain
Swept with confused alarms of struggle and flight,
Where ignorant armies clash by night.


Ah mon amour, soyons fidèles
L’un à l’autre : le monde, bien qu’il semble
S’étendre devant nous comme un pays de rêve
Aussi varié que beau et neuf,
Est vraiment sans amour, sans joie et sans lumière,
Sans paix ni certitude, où la douleur est reine.
Nous semblons être au soir tombant sur une plaine
Que traversent les bruits confus de luttes et de débandades
D’armées aveugles qui se heurtent dans la nuit. »