lundi 31 octobre 2011

346



«  Je me vis ouvrir, comme par hasard, la fenêtre qui me coupait du monde : la lune brillait de tout son éclat dans un ciel clair qui illuminait la montagne. M’échappant de la joyeuse compagnie qui tenait salon, je traversais le jardin de fleurs et d’orangers lorsqu’un bosquet, à mi-chemin entre la maison et les rochers, attira mes pas vers quelque marches creusées à même le roc. Par bonheur, je parvins à arpenter les cent premiers degrés de ce curieux escalier et atteignis mon premier refuge avant qu’un très sombre nuage, poussé par le vent du Nord, ne vînt voiler la face de la lune et éclipser la lumière qui m’avait servi de guide jusque là. Que me restait-il à faire ? Les marches étaient bien trop raides, bien trop précaires, bien trop irrégulières pour redescendre dans l’obscurité et, puisqu’il me fallait rester dans l’obscurité pour quelque temps, je me consolai en me disant que la lumière ne manquerait pas de revenir bientôt. »

dimanche 30 octobre 2011

345



« Je voudrais que les hommes blêmissent d'effroi en lisant mon livre, qu'il agisse sur eux comme un opium, comme un cauchemar, afin qu'il leur fasse perdre la raison, qu'on me maudisse, qu'on me haïsse, mais qu'on me lise... et qu'on se tue »

samedi 29 octobre 2011

344



« Quand j’ai su que je deviendrai aveugle, j’ai commencé à aimer la peinture. »

vendredi 28 octobre 2011

343



« Sans smoking, ma position eût été plus confortable. Dans ma vie je tombe à tous les coups pile sur les endroits les plus sordides. Il est cependant vexant pour un homme invité par le maire de la ville en personne à une réception dans une salle éclatante de lumière de se retrouver près de caisses puant le poisson pourri qu’entourent de vieux murs lépreux. »

jeudi 27 octobre 2011

342



« La vie en soi, l’existence en soi, tout est lieu commun. Lorsque, comme je le fais à présent, nous nous remémorons le passé, tout se règle peu à peu de soi-même. A perpétuité nous sommes en compagnie d’êtres qui ne savent pas la plus petite chose sur nous, mais prétendent continuellement tout savoir sur nous ; nos parents et nos amis les plus proches ne savent rien parce que nous-mêmes, nous ne savons pas grand chose à ce sujet. Toute notre vie, nous sommes en train de nous explorer, nous allons sans cesse à la limite de nos moyens intellectuels et nous renonçons. Nos efforts finissent dans l’inconscience totale et dans une dépression fatale, sans cesse mortelle. Ce que nous-même nous ne nous risquons jamais à prétendre, parce que nous sommes nous-mêmes effectivement incompétents, d’autres se risquent à nous le reprocher en négligeant à dessein ou non de voir tout de notre personne physique et morale. Nous sommes constamment des êtres rejetés par les autres qui, chaque nouvelle journée, doivent se retrouver, trier, assembler leur morceaux, se reconstituer. Nous portons nous-mêmes, à mesure que nous progressons en âge, un jugement de plus en plus sévère et il nous faut accepter, du côté opposé, un jugement deux fois plus sévère. »

mercredi 26 octobre 2011

341



« Nor the mind 

Swung on Hooves, Vexed on Hinges 

Ain.Do.Tri.Car.Cush.Shay. 
 


COCKEREL’S 
SHUNTING FLIGHT
to a dance 

to a Horse 

(Horses we kept) »

mardi 25 octobre 2011

340



« 
Am Abend, wenn die Glocken Frieden läuten,

Folg ich der Vögel wundervollen Flügen,

Die lang geschart, gleich frommen Pilgerzügen,

Entschwinden in den herbstlich klaren Weiten. 
 


Hinwandelnd durch den dämmervollen Garten

Träum ich nach ihren helleren Geschicken

Und fühl der Stunden Weiser kaum mehr rücken.

So folg ich über Wolken ihren Fahrten. 
 


Da macht ein Hauch mich von Verfall erzittern.

Die Amsel klagt in den entlaubten Zweigen.

Es schwankt der rote Wein an rostigen Gittern, 
 


Indes wie blasser Kinder Todesreigen

Um dunkle Brunnenränder, die verwittern,

Im Wind sich fröstelnd blaue Astern neigen. »

« Le soir, quand l’angélus au lointain sonne 

Je suis des oiseaux les vols mystérieux, 

Qui groupés, pareils à des pèlerins pieux, 

Disparaissent dans la clarté d’automne.  
 


Errant dans le demi-jour des jardins 

Je songe à leurs destinées si sereines 

Et ne sens plus bouger les heures qu’à peine.  

Je suis dessus les nuages leur chemin.  
 


Je tremble alors à l’odeur du déclin. 

Dans les branches à nu gémit le merle. 

Aux grilles rouillées ballottent les raisins,

 

Tandis qu’à l’entour d’obscures margelles 

Qui s’effritent, pâles enfants dansant leur fin 

Des asters bleus au vent frissonnant chancellent. »

lundi 24 octobre 2011

339



« Je suis un descendant de l’empereur Gaoyang1   un disciple talentueux du vieux Du Fu2

Je suis né le matin du 8 août 1954 dans la province du Yunnan en Chine 

Un plateau en retard sur la Nouvelle Société   là-bas le temps est le ventre flasque des bêtes 

Est le jaune d’un vieil œuf pelé couvé dans le ciel   là-bas 

Les hommes et les dieux vivent en voisins   vénérables propriétaires terriens    sa vérité est valable dans le monde entier 

C’est une belle chose   de descendre une montagne verte une source sur le dos   c’est une belle chose 

Que des meules de paille sur une plaine d’automne   c’est une belle chose   quand le piquant des duvets de pissenlit fait pleurer 

C’est une belle chose   qu’un tournesol épineux et une pelouse jaune sous les eucalyptus 

C’est une belle chose   un après-midi où les juments hennissent 

Que la jambe droite d’un homme entravée par un lantanier trébuche sur un morceau de batik 
 


Je suis déjà sur la route   vais-je le sortir 

Dans les bains publics de San Francisco   les organes incestueux de Ginsberg agonisaient 

Son dictionnaire a été oublié dans une valise orientale   en restant en retard sur les États-Unis il est devenu l’avant-garde de la poésie »

dimanche 23 octobre 2011

338



« Come let us mock at the great 

That had such burdens on the mind 

And toiled so hard and late 

To leave some monument behind, 

Nor thought of the levelling wind 
 

Come let us mock at the wise; 

With all those calendars whereon 

They fixed old aching eyes, 

They never saw how seasons run, 

And now but gape at the sun »

samedi 22 octobre 2011

337



« rentrée des chambres fermez 

les guillemets le microscopique Président pithécoïde 
dans sa redingote 
neuve(se hissant tout 
en haut de la tribune danse follement 
&&)& papote de la Paixpaixpaix (puis 
descend dégringolamment 
au milieu d’un tonnerre d’applaudissements antrhoropoïdes)conclue 

à propos de ce qui Paie cette 

extrêmement artistique flamme
qu’onn’éteindrajamais a 
-ménagée(très joliment pa- 
s vrai) en souvenir du malgré lui célèbre solda 
-t sans nom(a- 
vec le souci de ne pas nuire à la perspective environnante(pensée a 
-troce) par ailleurs impeccablement dessinée)ra- 
cole quelques modérément curieux a 
-rrosés par la pluie(et homme et femme 
Il créa 

eux,      Et toutes les bêtes des champs »

vendredi 21 octobre 2011

336



« je laisse, à qui reste, des aurores boréales, 

et rois des souris, et femmelette barbues ;

je laisse les chevaux de Phrysie et de Troie,  

la Juve, les virus, l’Otan, les virgules : 

et je laisse aussi loteries et auberges, 

rébus, rosaires, ouvre-boîtes et boîtes,  

disques d’Ellington, films avec la Vlady, 

diminutifs, tanches, vendredis : »

jeudi 20 octobre 2011

335



« Chacun fait la digue avec ce qu’il est, on marche côte à côte, on ne voit rien en entier : c’est ce qui manque qui forme contour, et c’est soi qu’on voit le moins ; on croise, on suit des chemins usés, on ne reconnaît rien : tout s’est effacé ; en se levant le pas dépose une trace, parfois nait là une sorte de rappel – la mémoire des pas sur le béton est faible. On n’est pas sûr de tenir tout entier en soi.  
On n’est pas fée, on allume le monde sans prétendre à rien ni rien demander, juste parce qu’on est là, alors qu’on n’espérait qu’un peu d’obscurité, et comme on porte tout ce qu’on voit, dans la lumière le monde s’achemine vers nos épaules, patiemment, irrémédiablement, projetant une ombre immense et noire sur nos propres pieds. »

mercredi 19 octobre 2011

334



« À un moment, une des lycéennes prononça le mot amour. L’intonation inouïe et la clarté de sa voix donna soudain à ce mot galvaudé s’il en est comme un sens nouveau. Je regardais toujours le petit poirier enveloppé de brume mais soudain la perception que j’en avais se trouva modifiée. Je n’étais plus le spectateur un peu distrait qui regardait l’arbre à distance mais – comment l’exprimer autrement – il n’y eut plus, d’un seul coup, l’arbre et moi, mais une seule et même "chose". Il n’y avait plus ni moi ni l’arbre, mais un même moi. »

mardi 18 octobre 2011

333



« -Tu ne trompes pas ta femme? Qu'est-ce que tu fait alors?
-Je ne sais pas, je ne la trompe pas. Je vis quelque chose d'autre, quelque chose de plus mais je lui reste fidèle. »

lundi 17 octobre 2011

332



« A 1 heure du matin, Colette téléphone :
- C'est l'heure où les anémones se ferment... Est ce que vous savez encore embrasser comme hier ?
- Oui. »

dimanche 16 octobre 2011

331



« Oui et puisque ma vie n'est devenue rien d'autre qu'un torchon gorgé d'eau frappé sur une table de bois. Vingt-huit ans donc, toujours debout, avec le corps qui me travaille. J'attends le moment où je ne pourrai plus rester chez moi, où il faudra sortir, aller au-devant du béton. »

samedi 15 octobre 2011

330



« Il n’est pas surprenant qu’aux folies de l’histoire et aux carnages ils aient aussi payé leur dû, pleuré leurs victimes. Inaptes au camouflage davantage encore que l’autruche, ils sont souvent les dindons de la guerre, se font farcir au RPG depuis les hélicos ou piéger à la mine antichar, nourrissent les deux camps.»

vendredi 14 octobre 2011

329



« Un ciel rose Ventor, rose boursouflé, force le barrage de la fenêtre et tout dès lors se retrouve à nouveau empaqueté dans ce tapis humide et caniculaire de bonheur. »

jeudi 13 octobre 2011

328



« Elle circule comme ça dans les déserts des mois et des mois durant. Elle continue sa route sous le ciel. Elle roule en bikini quand la chaleur devient insupportable. Elle roule en bottes et en manteau léopard quand les nuits sont glacées. Elle roule avec un galurin d'homme rose. Elle roule avec une robe jaune des années cinquante. Elle roule avec une détermination inébranlable, comme si le voyage comportait une quelconque destination finale alors qu'elle se borne en réalité à des allées et venues sur cette unique autoroute esseulée. Partout des sauriens aux entrailles éventrées sous l'épiderme squameux. Partout des crotales, des oiseaux du désert, des chiens au crâne sanguinolent. »

mercredi 12 octobre 2011

327



« Considérez ce qui se passe quand un homme perd réellement la boule. On appelle la police, on le fait disparaître en vitesse, on le coffre et on le boucle avant qu’il ait réveillé les voisins. »

mardi 11 octobre 2011

326



« Ça n'a rien à voir avec le basket. »

lundi 10 octobre 2011

325



« Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn.

Legrasse avait un point d'avance sur le Pr Webb, car plusieurs de ses prisonniers lui avaient révélé le sens de ces paroles qui peuvent se traduire comme suit :

Dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu attend en rêvant. »

dimanche 9 octobre 2011

324



« Elles étaient descendues de la lune, par une nuit de brouillard, en même temps que le lac et la cité de pierres grises, Ib. Ces êtres bizarres avaient pour divinité une idole de pierre verte comme la mer, taillée en forme de bokrug, grand lézard aquatique, qu’ils vénéraient par des danses horribles lorsque la lune, en son plein, était gibbeuse. »

samedi 8 octobre 2011

323



« Parce que, l'autre fois, ça avait commencé comme ça ... Alors je me suis demandé si vous aviez entendu marcher cette nuit, parce que l'autre fois, on avait entendu marcher, et moi, cette nuit, il m'a bien semblé entendre marcher, mais si vous n'avez rien entendu, peut-être que je me suis trompé ... »