lundi 30 décembre 2013

632



« Mais dans les bras de Laura, il n'y avait pas d'illusion possible. Jamais je n'avais aimé avec un don si total de moi-même. Je ne me souvenais même plus de mes autres amours, peut-être parce que le bonheur est toujours un crime passionnel : il supprime tous les précédents. Chaque fois que nous étions unis ensemble dans le silence des grandes profondeurs qui laisse les mots à leurs travaux de surface et que, très loin, là haut, les milles hameçons du quotidien flottent en vain avec leurs appâts de menus plaisirs, de devoirs et responsabilités, il se produisait une naissance du monde bien connue de tous ceux qui savent encore cette vérité que le plaisir réussit parfois si bien à nous faire oublier : vivre est une prière que seul l'amour d'une femme peut exaucer. »

vendredi 27 décembre 2013

631



« Les villes ne furent plus que des flaques de verre entourées de vastes étendues de décombres. Des nations avaient disparues de la surface de la terre, le sol était jonché de cadavres d'hommes et de bétail, et toutes les bêtes sauvages, et les oiseaux dans les airs et tout ce qui nageait dans les fleuves ,rampait dans l'herbe , creusait des trous ,gisait aussi sur terre ; ils avaient tous péri ... »

mercredi 25 décembre 2013

630



« Certains hommes passent des années à tisser une toile de pensées cohérentes, et d’autres, qui les laissent vagabonder au hasard, parviennent au même résultat. Et voilà pour la sagesse du philosophe ! »

lundi 23 décembre 2013

629




--> « L'Europe, pourquoi pas ? Elle n'a jamais existé, et n'existera jamais : alors, on peut tout attendre d'elle. »

vendredi 20 décembre 2013

628



« Parfois quand un inconnu indiscret vient à le questionner sur sa vie - un taxi, un coiffeur de province, un voisin de train – Yves s’invente un métier, se fabrique une vie, dans l’impunité de l’anonymat …. Le temps d'une course place d'Italie - rue Montmartre, il devient l'un des spécialistes européens de la cryptobiose des tardigrades.

- De la quoi des quoi? dit le taxi

- De la cryptobiose des tardigrades. Les tardigrades sont de tout petits animaux pas plus gros qu'une tête d'épingle. Ils sont capables d'expulser toute l'eau de leur corps pour résister à des températures extrêmes dans l'Antarctique : c'est cela, la cryptobiose. Dans cet état, ils peuvent survivre des années, parfois des siècles. Je les étudie depuis vingt-deux ans maintenant.

- On vous paye pour ça avec nos impôts? Demande le taxi inquiet. »

mercredi 18 décembre 2013

627



 « Il essaya de trouver des sages dans la ville de

Londres et, plus tard, à Paris. Il chercha

Dans l’annuaire : il trouva sur des pages entières des plombiers,

Des avocats, des restaurants, des agences immobilières,

Des plombiers, mais pas une seule référence à un sage,
Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, mais seulement

Qu’ils ne veulent pas qu’on les contacte, pensa-t-il.

Et il s’en retourna par les rues. »


lundi 16 décembre 2013

626



« Un homme touche une femme avec la même inhabileté
Que ses ancêtres
D'il y a dix siècles.
La vie va de l'avant et elle est monstrueuse. »

vendredi 13 décembre 2013

625



« Impossible, en effet, de distinguer le visage
De qui veut seulement voler un portefeuille
Du visage de qui veut tuer, égorger, éventrer,
Couper en tranches et, avec les arêtes de l'intérieur du corps,
Fabriquer une lyre.
C'est pourquoi Bloom, par précaution, agit immédiatement
Comme si le vieillard et ses trois fils eussent déjà montré
Les dents et que lui, pauvre garçon,
Fût la cause de leur appétit. »

mercredi 11 décembre 2013

624



« Il vint, il me tâta de sa canne ferrée, il releva les pans de ma veste avec la pointe et les replia sur mon dos. Il promena sa canne aiguë dans ma tignasse et l’y laissa longtemps tandis qu’il regardait, probablement, d’un air farouche autour de lui; et mon rêve suivait le sien au-delà des monts et des plaines, quand il me saura soudain à pieds joints sur les reins. Je frémis d’une douleur atroce; je ne m’étais douté de rien. Qui était-ce? un enfant? un rêve? un brigand? un désespéré? un tentateur? un exterminateur? Je me retournai pour le voir. »





lundi 9 décembre 2013

623



« Dieu sait pourquoi l’idée me vint alors que, s’il avait pu prévoir la chose, père aurait aimé emporter sous terre avec lui des objets familiers. À commencer par frère et moi, songeai-je, mais cette perspective me parut excessive et désemparante. Bien sûr notre tour viendrait, notre tour de décéder, et le même jour encore ou peu s’en faut, extrêmement oints, si ça se dit, dociles jusque dans et par la tombe, car celle de papa, qui semblait exister depuis toujours en quelque endroit de la plaine qu’il nous restait encore à deviner, constituait une manière de commandement, un appel donné si j’ose dire depuis la matrice de la terre, comme tous ses ordres étaient donnés jusque-là depuis la chambre de l’étage, je dis la chose comme elle m’apparaît. Mais ça pouvait attendre, je veux dire notre tour, quelques jours du moins, peut-être des semaines, voire des siècles, car si nous savions de source sûre par mon père que nous étions mortels jusqu’au trognon et que tout passe ici-bas, papa ne nous avait jamais précisé combien de temps il faudrait pour que nous cessions de l’être, mortels, et passions comme cadavres de l’état d’apprenti à celui de compagnon, mon frère et moi. »

vendredi 6 décembre 2013

622



« En raison d’un inexplicable court-circuit, c’est le fonctionnaire qui abaissa le levier qui fut électrocuté, et non le criminel qui se trouvait assis sur la chaise. Comme l’on n’était pas parvenu à réparer la panne, c’était désormais le fonctionnaire du gouvernement qui prenait place sur la chaise électrique, tandis que le criminel était chargé d’abaisser le levier mortel. »

mercredi 4 décembre 2013

621



« Tu es sûre que c'était un doigt humain.
Cette fleur de tabac à la froideur obstinée ne voulait pas être attaquée par le dégoût. Je serrai le poing au bord de la table et posai l'index à plat.
Et ça, alors, qu'est-ce que c'est.
Rentre ton doigt, dit-elle.
Est-ce qu'on peut le confondre.
J'ai vu, remets le là l'intérieur de ta main.
Qu'est-ce que tu as vu, une cigarette ou une patte d'oiseau.
Faut-il vraiment que je te le dise ou suffira-t-il que je te croie ? »

lundi 2 décembre 2013

620



« La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n'aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d'Orient sans avoir l'air de se considérer dans l'obligation d'avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n'aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l'avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d'ennui et d'irritation. Il se demanda même pourquoi. C'était disproportionné. Plutôt petite, pâle, je crois… Qu'elle se fût appelée Jeanne ou Marie, il n'y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qui l'irritait. »

vendredi 29 novembre 2013

619



--> « Alors arrive ce qui doit arriver. Deux ou trois brutes m’invitent à aller dehors. Et le tabassage commence. Je le sais, et je m’en fous. Parfois ce sont eux qui s’en tirent mal, surtout quand j’y vais avec mon pistolet. D’autres fois, c’est moi. Je m’en fous. J’ai besoin de ces saloperies de sorties. »

mercredi 27 novembre 2013

618



« Notre seule vérité possible doit être invention, c'est-à-dire écriture, littérature, peinture, sculpture, agriculture, pisciculture, toutes les "tures" de ce monde. Les valeurs, des tures, la sainteté, une ture, la société, une ture, l'amour, une pure ture, la beauté, la ture des tures. »

lundi 25 novembre 2013

617



« Quand j’ai dit que j’avais invité mon frère et ma sœur à passer le réveillon de Noël avec nous(nous étions en train de déjeuner dans la cuisine et on voyait les grues et les bateau après les derniers toits de l’Ajuda)Léna a rempli mon assiette de fumée, et pendant qu’elle disparaissait dans la fumée sa voix a embué les vitres avant de s’évanouir à son tour- Voilà quinze ans que tu n’as pas vu ton frère et ta sœur
(sa voix en couvrant les carreaux de vapeur a emporté avec elle les buttes d’Almada, le pont, la statue du Christ en train d’agiter tout seul ses ailes au-dessus de la brume dans un battement désemparé)à mesure que la buée s’est diluée Léna a peu à peu réapparu les doigts pointés vers la corbeille à pain - Voilà quinze ans que tu n’as pas vu ton frère et ta sœur
de sorte que je me suis soudain rendu compte du temps qui s’était écoulé depuis notre arrivée d’Afrique, des lettres de ma mère de la plantation d’abord et de Marimba ensuite, quatre huttes sur un versant planté de manguiers (…) »

vendredi 22 novembre 2013

616



« Mais si j’apprenais que, durant ce voyage, tu aies eu de mauvaises pensées et quelque mauvaise fréquentation, ou que tu aies couru après les cotillons, sache-le bien : bien que tu sois l’unique personne de mon sang, et que tu aies visité Jérusalem et gagné des indulgences, je te jetterais alors à la rue, sans une croûte, comme un chien ! »

mercredi 20 novembre 2013

615



 «
--> car les yeux, les yeux proprement dits, n'ont aucune expression, les yeux sont deux billes inertes même quand ils sont arrachés, ce sont les paupières, les cils et aussi les sourcils qui ont la charge des diverses éloquences et rhétoriques visuelles, pourtant ce sont les yeux qui récoltent la renommée »

lundi 18 novembre 2013

614



« Les infirmités de la vieillesse commencèrent à affecter Kant et se manifestèrent sous bien des formes. Quoique la mémoire de Kant fût prodigieuse pour tout ce qui avait une portée intellectuelle, il avait depuis sa jeunesse souffert d’une extraordinaire faiblesse de cette faculté en ce qui concernait les affaires communes de la vie de tous les jours. »

vendredi 15 novembre 2013

613



« En poussant des cris d’attaque caverneux, j’ai sabré les ténèbres. un jour, je tuerais avec cette arme un ennemi, me disais-je. Je le tuerais comme un homme. Il me sembla que ce pressentiment allait de pair avec une violente certitude. Mais où était mon ennemi ? Mon père ? Ma sœur ? Les soldats américains dans leurs bases ? Les membres des Forces de défense ? J’allais le tuer, j’allais le tuer. Ei ! Ei ! Yaa ! 
À force de massacrer les ennemis qui restaient collés aux ténèbres, comme des lentes aux coutures d’une chemise, j’ai progressivement retrouvé mon calme. J’ai même regretté d’avoir blessé ma sœur. Si jamais elle perdait la vue, je devrais sacrifier mon propre œil, pour permettre une greffe de la cornée. Je devrais payer pour mon crime. Celui qui de sa propre chair et de son propre sang ne rachète pas son forfait est un lâche et un minable. Je ne suis pas de ceux qui renâclent devant le prix à payer ! »

mercredi 13 novembre 2013

612



« Je suis Zenzotli, Gardien de la Maison Obscure des Aztex, je pète les plombs et je crois que j’aime ça. »

lundi 11 novembre 2013

611



« Tu vois à présent comment tout s’enchaîne. Dans notre monde, les Turcs, pas plus que les Russes et les peuples d’Afrique, n’ont rien subi de semblable à la dévastation dont l’Europe de l’ouest a été la victime. C’est pourquoi les Turcs n’ont pas rencontré d’opposition lorsqu’ils se sont aventurés vers l’ouest. En 1420 ils prennent Constantinople que tu connais sous le nom d’Istanbul. En 1440 ils sont à Vienne, en 1460 à Paris, en 1490 à Londres. Et en même temps les Arabes venant d’Afrique du Nord occupent une fois de plus l’Espagne, et l’Italie par-dessus le marché. Puis les Turcs et les Arabes se querellent, et quand est dissipée la fumée des canons, les Turcs sont maîtres de toute l’Europe à l’exception de la Russie. Et les Russes ont fait la même chose dans la direction opposée, descendant de Sibérie pour s’emparer de la Chine, du Japon, puis du reste de l’Asie. »

vendredi 8 novembre 2013

610



« Les salops de garçons ! sitôt qu’il faisait nuit, ils étaient tous à courir derrière mon dos : Eh ! la môme, qu’ils disaient, un coup au cul, ça sera pas long. Moi, bonne fille je les écoutais. Pourtant je ne jouis pas avec tout le monde, tu sais ; faut savoir enculer, encore. Y en avait qui m’astiquaient la boudinette pendant une heure et ça me faisait autant d’effet que dans la main. Tu crois qu’ils me remerciaient ? Le lendemain, ils se mettaient à quinze pour crier "A la retourne ! A la retourne !" Et moi, tu penses, j’avais honte. »

mercredi 6 novembre 2013

609



-->
« Eric était fermement convaincu que le boulot des médecins était de trouver des maladies là où il n'y en existait pas, et d'aggraver la maladie là où ils en trouvaient une. »

lundi 4 novembre 2013

608



« Cet organe, une vésicule située au bas des reins, constituait pour leurs ancêtres une efficace arme défensive ressemblant beaucoup à celle qu'utilise le brachyne tirailleur. À présent réduit à l'état de vestige, il servait à décharger la tension nerveuse quand elle atteignait un point extrême. Un système pratique mais qui présentait des inconvénients. Par exemple, les psychiatres wogs étaient obligés de laisser les fenêtres ouvertes ou de porter un masque à gaz pendant les séances thérapeutiques. »

vendredi 1 novembre 2013

607



« Peut-être les terrasses de ce jardin ne donnent-elles que sur le lac de notre esprit… »

mercredi 30 octobre 2013

606



« Il n'y avait absolument rien qui rachetât cette nudité, qui rappelât les choses douces de la vie.»