mercredi 29 février 2012

460



« Personne n’est jamais mort dans un roman. Car personne n’existe dedans. Les personnages sont des poupées remplies de mots, d’espaces, de virgules, à la peau de syntaxe. La mort les traverse de part en part, comme de l’air. »

mardi 28 février 2012

459



« C'est un signe de faiblesse que de quémander une belle mort alors que, déjà, une belle vie, c'était beaucoup demander. »

lundi 27 février 2012

458



« Mais on change de merde. Et si toutes les merdes se ressemblent, ce qui n’est pas vrai, ça ne fait rien, ça fait du bien de changer de merde, d’aller dans une merde un peu plus loin, de temps en temps, de papillonner quoi, comme si l’on était éphémère. »

dimanche 26 février 2012

457



« La liberté, le bonheur du genre humain ? Mais c'est du fric qu'il s'agit, et de rien d'autre, du fric pour financer la guerre, et rien d'autre, et l'alimenter, et le genre humain peut toujours crever, faute de pain, esclave des machines et sous la coupe des politiciens et des fonctionnaires, qui ne brandissent plus le fouet comme les maîtres de naguère pour faire se courber les échines, mais on fait avancer les robots qui broient entre leurs mâchoires automatiques les réfractaires et les individus et dont l'anus également automatique, ne pisse pas du sang, ne rend pas des excréments mais éjecte des rondelles d'or en série, nettes, astiquées, brillantes, hypnotiques, exactement calibrées et du même poids : l'Unité. »

samedi 25 février 2012

456



« Le parfum de sa cravate noire et bleue lui rappela son avant-dernière maîtresse, une blonde aux jambes longues et minces et au nez planté de travers. »

vendredi 24 février 2012

455



« Tout a l'odeur de son odeur inodore ;
ça goutte, ça gicle, ça se déverse, ça jaillit,
son pas progressivement, mais pêle-mêle, aveuglément,
ça mouille biscuits, chapeaux de feutre et culottes,
ça stagne comme une flaque de sueur sous les roues du fauteuil roulant,
ça emplit les pissotières d'un flot saumâtre, et ça gargouille
dans les fours ; et puis ensuite c'est simplement là, humide et sombre,
calme, immobile, et ça monte tout simplement, lentement, lentement,
faisant remonter de petits objets, des jouets, des objets précieux,
des flacons pleins de liquides infâmes,
entraînant tout sans distinction dans ses tourbillons,
objets de caoutchouc, objets morts et brisés ; jusqu'au moment
Où tu la sens toi-même à l’intérieur de ta poitrine, »

jeudi 23 février 2012

454



« le groupe s’est défait (beauté décomposée) : c’était déjà dans leur musique qui n’arrête pas de se défaire, de s’effilocher, dans leurs vêtements où il manque toujours quelque chose, ils se sont sans arrêt défaits, leur belle défaite continue »

mercredi 22 février 2012

453



« Explorant mes terrains vagues, zones vouées à la pure potentialité, lieux de l'inconfort extrême où rien ni personne n'a de place assignée, j'avais le secret espoir que les notes désordonnées et contradictoires finissent par aboutir à un texte qui ressemble à cette terre mille fois retournée et mêlée de débris, à ces toiles d'araignée qui s'accrochaient aux oreilles et aux cheveux et à ces fruits poussant sans arrosage ni jardinier. »

mardi 21 février 2012

452



« La première fois qu'ils m'ont provoqué g senti monter en moi une boule de chaleur, je me suis obligé à garder les mains dans l'eau d'la vaisselle en serrant les poings car je sentais que j'allais exploser, et là je m'suis mis à avoir des vertiges et tt d'un coup je m'suis senti totalement vidé de tt contenu international (comme une méga chute de tension en fait). Alors je sens bien que qqch ne va pas. En fait je souffre et je fais souffrir tous ceux qui sont dans mon camp et qu'arrêtent pas d'dire que j'avais pas d'projet et qu'avec mes conneries g foutu la merde partout :-( »

lundi 20 février 2012

451



« Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l'air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s'arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d'atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l'éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu'une seule coulée d'or. »

dimanche 19 février 2012

450



« De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé »

samedi 18 février 2012

449



« En Chine, Hong Kong n'est qu'une décoration de Noël, et Noël sera bientôt fini. »

vendredi 17 février 2012

448



« L'idée de meurtre évoque souvent l'idée de mer, de marins. Mer et marins ne se présentent pas alors avec la précision d'une image, le meurtre plutôt fait en nous l'émotion déferler par vagues. Si les ports sont le théâtre répété de crimes l'explication en est facile que nous n'entreprendrons pas, mais nombreuses sont les chroniques où l'on apprend que l'assassin était un navigateur, faux ou vrai et s'il est faux le crime en a de plus étroits rapports avec la mer. L'homme qui revêt l'uniforme de matelot n'obéit pas à la seule prudence. Son déguisement relève du cérémonial présidant toujours à l'exécution des crimes concertés. Nous pouvons d'abord dire ceci : qu'il enveloppe de nuées le criminel ; il le fait se détacher d'une ligne d'horizon où la mer touchait au ciel ; à longues foulées onduleuses et musclées il le fait s'avancer sur les eaux, personnifier la Grande-Ourse, l'Etoile Polaire ou la Croix du Sud ; il (nous parlons toujours de ce déguisement et du criminel) il le fait remonter de continents ténébreux où le soleil se lève et se couche, où la lune permet le meurtre sous des cases de bambous, près des fleuves immobiles chargés d'alligators ; il lui accorde d'agir sous l'effet d'un mirage, de lancer son arme alors qu'un de ses pieds repose encore sur une plage océanienne si l'autre déroule son mouvement au-dessus des eaux vers l'Europe ; il lui donne d'avance l'oubli puisque le marin « revient de loin » ; il le laisse considérer les terriens comme des plantes. Il berce le criminel. Il l'enveloppe dans les plis, étroits du maillot, amples du pantalon. Il l'endort. Il endort la victime déjà fascinée. »

jeudi 16 février 2012

447



« La nature, à y regarder de plus près, semble faite d’antipathies: sans quelque chose à haïr, nous perdrions le ressort même de la pensée et de l’action. La vie se changerait en une mare stagnante si elle n’était agitée par les intérêts discordants et les passions déréglées des hommes. »

mercredi 15 février 2012

446



« Les Américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie étaient de vrais gaillards ils mesuraient en moyenne 1m73 et si on avait pu les ranger bout à bout plante des pieds contre crâne ils auraient mesuré 38 kilomètres. Les Allemands étaient également de vrais gaillards mais les plus gaillards de tous étaient les tirailleurs sénégalais de la Première Guerre Mondiale qui mesuraient 1m76 et qu’on envoyait en première ligne pour que les Allemands soient pris de panique. On a dit de la Première Guerre Mondiale que les gens y tombaient comme des graines et les communistes russes ont calculé combien un kilomètre de cadavres pouvait donner d’engrais et combien ils économiseraient en coûteux engrais étrangers s’ils se servaient des cadavres de traîtres et de criminels. »

mardi 14 février 2012

445




そのころ流沙河の河底に栖んでおった妖怪の総数およそ一万三千、なかで、渠かればかり心弱きはなかった。渠に言わせると、自分は今までに九人の僧侶を啖った罰で、それら九人の骸顱が自分の頸の周囲について離れないのだそうだが、他の妖怪らには誰にもそんな骸顱は見えなかった。「見えない。それは爾の気の迷いだ」と言うと、渠は信じがたげな眼で、一同を見返し、さて、それから、なぜ自分はこうみんなと違うんだろうといったふうな悲しげな表情に沈むのである。


« Lors parmi les treize mille et quelques monstres qui gîtaient au fond des Sables Mouvants, pas un qui fût plus timoré que lui. À l’en croire, il s’était déjà enfilé neuf moines entiers et pour son châtiment neuf têtes de morts lui restaient accrochées au cou, ne les voyaient-ils pas ? Mais les autres monstres étaient tous d’accord pour ne rien voir de tel. “Tu te fais des idées, mon vieux”, disaient-ils ; incrédule, il les affrontait collectivement du regard, allons donc ! puis sombrait dans un air de mélancolie qui semblait demander : pourquoi suis-je donc tellement différent de vous tous ? »

lundi 13 février 2012

444



« Sans mention de la source, la réplique ne valait rien. »

dimanche 12 février 2012

443



« Je tue tous les vendredis deux boeufs, deux veaux et trois moutons. Je connais la valeur du sang, ses reflets, son odeur et les idées qui se cognent les unes contre les autres entre les quatre murs de l'abattoir. C'est l'arrière-boutique de la pensée des hommes. Nous possédons tous, très loin dans l'arrière-boutique de notre pensée, un abattoir qui pue. Quelquefois, mais rarement, il sent bon. C'est également parce que nous possédons tous, vous le savez aussi bien que moi, un petit coin pour ranger ce qui reste d'un peu propre en nous-même. Il y a des souvenirs de famille. »

samedi 11 février 2012

442



« Moi, je ne suis pas artiste, je suis boucher aux environs de Paris, mais j'aime beaucoup les arts, la musique surtout, la grande musique même. J'aime particulièrement la musique religieuse. Ca m'élève l'âme et ça me pousse à toutes les extrémités. Nous avons tous une petite idée derrière la tête, tous, sans exception ; cette idée-là, nous la connaissons mal nous-mêmes, elle est comme un veau mort-né, un foetus, un poulet à ses débuts dans l'oeuf. Il faut éviter de trouver à ses dépens le produit qui donne à cette idée une vie normale et puissante, une puissance plus forte que celle que possède le boeuf dans sa tête et dans son cou. Une idée qui vous morcelle le raisonnement à coups de cornes. Voilà ce qu'il faut éviter de trouver. Pour les uns, c'est la femme, pour les autres, comme moi, c'est la musique qui donne de la volonté et du mouvement à cette arrière-pensée. Pour les plus vulgaires, c'est le sang. Le sang est un excellent révélateur de la force inconnue qui travaille le crâne des idiots. »

vendredi 10 février 2012

441



« ... Dann kam die Nacht mit Deinem Traum
Im stillen Sternebrennen.
Und der Tag zog lächelnd an mir vorbei,
Und die wilden Rosen atmeten kaum.
Nun sehn ich mich nach Traumesmai,
Nach Deinem Liebesoffenbaren.
Möchte an Deinem Munde brennen
Eine Traumzeit von tausend Jahren. »

jeudi 9 février 2012

440



« La blancheur. Le bonheur implacable le calme. On s’installe dedans. Je ne veux plus rien voir à part ça, je ne regarde plus que ça. Personne ne m’enlèvera tout ça. C’est nous maintenant. Je m’imperméabilise. Je n’entends rien je crains les autres qui pourraient vouloir me prendre ça c’est à moi on ne me le prend pas mais rien ne vient. Tout va bien. C’est le bonheur ça. C’est ça. C’est le début. »

mercredi 8 février 2012

439



« Le mélange mélange. Le mélange ne se guide pas. Le mélange continue. Le mélange entraîne aux mélanges. Les mélanges se mélangent. »

mardi 7 février 2012

438



« The ants came
to investigate
the dead
bull snake,
nibbled
at the viscera
and hurried off
with full mouths
waving wild
antenae.

Moths alighted,
beetles swarmed,
flies buzzed
in the stomach.

Three crows
tugged and tore
and flew off
to their oak tree
with the skin.

In every house
men, women and children
were chewing beef.

Who was it said
“The wonder of the world
is its comprehensibility”? »

lundi 6 février 2012

437



« Pocahontas n’avait que douze ans et avançait timidement la figure entre les conseillers barbouillés. Elle gémit, s’élança vers le capitaine et mit la tête contre sa joue. John Smith avait vingt-neuf ans. Il portait de grandes moustaches droites, la barbe en éventail, et sa face était aquiline. On lui dit que le nom de la fillette du roi, qui lui sauvait la vie, était Pocahontas. Mais ce n’était pas son vrai nom. Le roi Powhatan conclut la paix avec John Smith et le mit en liberté.
Un an plus tard, le capitaine Smith campait avec sa troupe dans la forêt fluviale. La nuit était épaisse ; une pluie pénétrante abattait tout bruit. Soudain, Pocahontas toucha l’épaule du capitaine. Elle avait traversé, seule, les affreuses ténèbres des bois. Elle lui chuchota que son père voulait attaquer les Anglais et les tuer pendant qu’ils seraient à souper. Elle le supplia de fuir, s’il tenait à vivre. Le capitaine Smith lui offrit des verreries et des rubans ; mais elle pleura et répondit qu’elle n’osait. Et elle s’enfuit, seule, dans la forêt. »

dimanche 5 février 2012

436



« Moving over the hills, crossing the irrigation
canals perfect and profuse in the mountains the
streams of women and men walking under the high-
tension wires over the brown hills

in the multiple world of the fly’s
multiple eye the songs they go to hear on
this occasion are no one’s own

Needle’s eye       needle eye       but in the ravine
again and again on the massive spike the song
clangs

as the tremendous volume of the music takes
over obscured by their long hair they seem
to be mourning »

samedi 4 février 2012

435



« La Copulation (suite) : Arthropodes. — C'est parmi les insectes, les batraciens, les mollusques qu'on rencontre les modes de fécondation les plus curieux et les plus éloignés du mécanisme habituel aux mammifères ; avant d'en venir là on donnera par quelques exemples une idée des mœurs sexuelles de toutes sortes de bêtes choisies parmi les arthropodes. »