vendredi 17 février 2012

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« L'idée de meurtre évoque souvent l'idée de mer, de marins. Mer et marins ne se présentent pas alors avec la précision d'une image, le meurtre plutôt fait en nous l'émotion déferler par vagues. Si les ports sont le théâtre répété de crimes l'explication en est facile que nous n'entreprendrons pas, mais nombreuses sont les chroniques où l'on apprend que l'assassin était un navigateur, faux ou vrai et s'il est faux le crime en a de plus étroits rapports avec la mer. L'homme qui revêt l'uniforme de matelot n'obéit pas à la seule prudence. Son déguisement relève du cérémonial présidant toujours à l'exécution des crimes concertés. Nous pouvons d'abord dire ceci : qu'il enveloppe de nuées le criminel ; il le fait se détacher d'une ligne d'horizon où la mer touchait au ciel ; à longues foulées onduleuses et musclées il le fait s'avancer sur les eaux, personnifier la Grande-Ourse, l'Etoile Polaire ou la Croix du Sud ; il (nous parlons toujours de ce déguisement et du criminel) il le fait remonter de continents ténébreux où le soleil se lève et se couche, où la lune permet le meurtre sous des cases de bambous, près des fleuves immobiles chargés d'alligators ; il lui accorde d'agir sous l'effet d'un mirage, de lancer son arme alors qu'un de ses pieds repose encore sur une plage océanienne si l'autre déroule son mouvement au-dessus des eaux vers l'Europe ; il lui donne d'avance l'oubli puisque le marin « revient de loin » ; il le laisse considérer les terriens comme des plantes. Il berce le criminel. Il l'enveloppe dans les plis, étroits du maillot, amples du pantalon. Il l'endort. Il endort la victime déjà fascinée. »