lundi 29 septembre 2014

725



« Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit
Mienne, belle, mienne
Nuit
Nuit de naissance
Qui m’emplit de mon cri
De mes épis.
Toi qui m’envahis
Qui fais houle
Qui fais houle tout autour
Et fume, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu’un fil
Sous la nuit
La Nuit. »

vendredi 26 septembre 2014

724



--> « Mais loin d’être seulement le miroir trompeur du passé, sa doublure imaginaire, le langage est le réceptacle de nos désirs inassouvis, comme aussi une prière adressée par soi à soi-même et aux autres qui rarement l’entendent ou ne l’entendent que lorsqu’il sera trop tard. »

mercredi 24 septembre 2014

723



« Pendant la Terreur, quand l’aube emportait les charrettes à la bascule, un poète anglais s’exclamait d’un vers “Sleep no more !”. C’est un “Dream no more !” qui est à l’ordre du jour. Je ne dis pas que j’y parviens, je dis que j’y suis. »

lundi 22 septembre 2014

722



« De ce point de vue, il n’est pas exagéré de dire que toute l’histoire est une histoire entièrement privée d’entendement, ce qui en fait du même coup une histoire parfaitement morte. »

vendredi 19 septembre 2014

721



« Je cherche un être à envahir
Montagne de fluide, paquet divin,
Où es-tu mon autre pôle ? Etrennes toujours remises,
Où es-tu marée montante ?
Refouler en toi le bain brisant de mon intolérable tension !
Te pirater. »

mercredi 17 septembre 2014

720



« — Je me suis promenée au bord de la Folie. —
Aux questions de mon cœur,
S’il ne les posait point,
Ma compagne cédait,
Tant est inventive l’absence.
Et ses yeux en décrue comme le Nil violet
Semblaient compter sans fin leurs gages s’allongeant
Dessous les pierres fraîches.
La Folie se coiffait de longs roseaux coupants.
Quelque part ce ruisseau vivait sa double vie.
L’or cruel de son nom soudain envahisseur
Venait livrer bataille à la fortune adverse. »

lundi 15 septembre 2014

719



« Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile,
à ne jamais réaliser une œuvre qui serait forcément belle,
à abandonner à mi-chemin la route assurée du succès.
Pourquoi l’art est-il beau ?
Parce qu’il est inutile.
Pourquoi la vie est-elle si laide ?
Parce qu’elle est un tissu de buts, de desseins et d’intentions.
Tous ses chemins sont tracés pour aller d’un point à un autre.
Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu
D’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va.
La beauté des ruines ?
Celle de ne plus servir à rien. »

vendredi 12 septembre 2014

718



« Vois la brûlure que fait en ce monde l’instant d’avant les choses tu es la pensée de cet instant et sa chair hélas.
Il n’y aura plus jamais de place pour toi entre la folie et l’oubli et la folie de toutes les flammes
Courage va Tu as planté la hache les heures sont tes prisonnières Déjà quand c’est le soir et que l’air change de couleur tu regardes en te penchant à droit à gauche comme un piéton à travers les arbres d’un pays inconnu tu fais tourner les yeux avec les derniers feux du jour tu marches tantôt doucement tantôt vite comme si tu suivais quelqu’un
A force de trouver partout la tristesse tu n’auras plus qu’elle à quitter quand le moment sera venu Une chanson est dans le jour tu ne sais plus si c’est le vent ou bien la peur du vent d’ici tu ne sais plus quand elle t’éveille si ce cœur c’est ta vie ou bien si c’est ta peine
Tu as deviné dans tous les cœurs un peu de la tristesse que personne ne connaît comme toi Et c’est toute ta force en ce monde d’avoir les mains fermées sur ce qui nous ferait peut-être mourir »

mercredi 10 septembre 2014

717



« Et personne jusqu’alors n’avait pu décimer ce troupeau de fauves, de bêtes dangereuses qui, à n’importe quel moment, auraient pu nous détruire, sortir des bois, déferler sur les prés et venir nous dévorer. Et personne jusqu’alors n’avait songé à tuer ces animaux menaçants que, cependant, nous ne craignions pas, ces curieux animaux que nous aimions. »

lundi 8 septembre 2014

716



« Not easy to state the change you made.
If I’m alive now, then I was dead,
Though, like a stone, unbothered by it,
Staying put according to habit.
You didn’t just tow me an inch, no—
Nor leave me to set my small bald eye
Skyward again, without hope, of course,
Of apprehending blueness, or stars.
That wasn’t it. I slept, say: a snake
Masked among black rocks as a black rock
In the white hiatus of winter—
Like my neighbors, taking no pleasure
In the million perfectly-chisled
Cheeks alighting each moment to melt
My cheeks of basalt. They turned to tears,
Angels weeping over dull natures,
But didn’t convince me. Those tears froze.
Each dead head had a visor of ice.
And I slept on like a bent finger.
The first thing I was was sheer air
And the locked drops rising in dew
Limpid as spirits. Many stones lay
Dense and expressionless round about.
I didn’t know what to make of it.
I shone, mice-scaled, and unfolded
To pour myself out like a fluid
Among bird feet and the stems of plants.
I wasn’t fooled. I knew you at once.
Tree and stone glittered, without shadows.
My finger-length grew lucent as glass.
I started to bud like a March twig:
An arm and a leg, and arm, a leg.
From stone to cloud, so I ascended.
Now I resemble a sort of god
Floating through the air in my soul-shift
Pure as a pane of ice. It’s a gift. »

vendredi 5 septembre 2014

715



-->
« La morte non è
nel non poter comunicare
ma nel non poter più essere compresi.

La mort, ce n’est pas
de ne pas pouvoir se comprendre
mais de ne plus pouvoir être compris. »

mercredi 3 septembre 2014

714



« Je voulais que mes doigts de poupée pénètrent dans les touches. Je ne voulais pas effleurer le clavier comme une araignée. Je voulais m’enfoncer, me clouer, me fixer, me pétrifier. Je voulais entrer dans le clavier pour entrer à l’intérieur de la musique pour avoir une patrie. Mais la musique bougeait, se pressait. Quand un refrain reprenait, alors seulement s’animait en moi l’espoir que quelque chose comme une gare s’établirait ; je veux dire : un point de départ ferme et sûr ; un lieu depuis lequel partir, depuis le lieu, vers le lieu, en union et fusion avec le lieu. Mais le refrain était trop bref, de sorte que je ne pouvais pas fonder une gare puisque je n’avais qu’un train un peu sorti des rails, qui se contorsionnait et se distordait. Alors j’abandonnai la musique et ses trahisons parce que la musique était toujours plus haut ou plus bas, mais non au centre, dans le lieu de la rencontre et de la fusion. (Toi qui fus ma seule patrie, où te chercher ? Peut-être dans ce poème que j’écris peu à peu.) »

lundi 1 septembre 2014

713



« Hier pourtant, pendant des heures et des heures, j’ai perdu mon mécanisme humain. Si j’en avais le courage, je continuerais à me laisser égarer. Mais j’ai peur de ce qui est nouveau, peur de vivre ce que je ne comprends pas - il me faut toujours la garantie de pouvoir au moins réfléchir à ce que je ne comprends pas - je ne sais pas m’abandonner si je n’ai plus de repères. Comment expliquer que ce qui fait ma plus grande peur soit relié précisément à être ? Et pourtant c’est la seule voie. Comment expliquer que ce soit précisément vivre, quoi que j’aie à vivre, qui constitue ma plus grande peur ? Comment expliquer que je ne supporte pas de voir, uniquement parce que la vie n’est pas telle que je croyais mais tout autre - comme si j’avais su, avant ce qu’elle était ! Pourquoi est-ce que voir entraîne un tel bouleversement ? »