mercredi 3 septembre 2014

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« Je voulais que mes doigts de poupée pénètrent dans les touches. Je ne voulais pas effleurer le clavier comme une araignée. Je voulais m’enfoncer, me clouer, me fixer, me pétrifier. Je voulais entrer dans le clavier pour entrer à l’intérieur de la musique pour avoir une patrie. Mais la musique bougeait, se pressait. Quand un refrain reprenait, alors seulement s’animait en moi l’espoir que quelque chose comme une gare s’établirait ; je veux dire : un point de départ ferme et sûr ; un lieu depuis lequel partir, depuis le lieu, vers le lieu, en union et fusion avec le lieu. Mais le refrain était trop bref, de sorte que je ne pouvais pas fonder une gare puisque je n’avais qu’un train un peu sorti des rails, qui se contorsionnait et se distordait. Alors j’abandonnai la musique et ses trahisons parce que la musique était toujours plus haut ou plus bas, mais non au centre, dans le lieu de la rencontre et de la fusion. (Toi qui fus ma seule patrie, où te chercher ? Peut-être dans ce poème que j’écris peu à peu.) »