lundi 21 avril 2014

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« Dans les mois qui suivirent, près de six cent cinquante mille hommes affluèrent vers Tchernobyl. Pour abattre les arbres, les brûler sur de gigantesques bûchers. Des appelés du contingent qui croyaient participer à de vulgaires manoeuvres. Des régiments entiers se déployèrent autour de la zone, mais les barrages n'étaient pas rigoureux et il suffisait de graisser la patte d'un gradé sans scrupule pour entrer ou sortir du périmètre interdit. Dans les bois circulaient de petites bandes d'hommes armés. Ils étaient chargés d'abattre le bétail, et aussi les chiens, les chats, de faire en sorte qu'aucun animal ne s'évade de la zone la plus contaminée. On leur distribuait de la vodka à foison. Dans cette curieuse partie de campagne printanière, ils cueillaient des champignons, des fraises, des framboises, s'en régalaient, se ruaient sur les poulaillers, gobaient les oeufs avant de tirer en rafales sur la volaille affolée. Les chemins étaient bordés de place en place de cadavres d'animaux, vaches ou cochons mitraillés à la kalachnikov et dont la viande se décomposait en attirant de copieux nuages de mouches. »