mardi 16 août 2011

270



« Ce premier monde estoit une forme sans forme, 

Une pile confuse, un meslange difforme, 

D’abismes un abisme, un corps mal compassé, 

Un Chaos de Chaos, un tas mal entassé : 

Où tous les elemens se logeoyent pesle-mesle : 

Où le liquide avoit avec le sec querelle, 

Le rond avec l’aigu, le froid avec le chaud, 

Le dur avec le mol, le bas avec le haut, 

L’amer avec le doux : bref durant ceste guerre 

La terre estoit au ciel et le ciel en la terre. 

La terre, l’air, le feu se tenoyent dans la mer : 

La mer, le feu, la terre estoyent logez dans l’air, 

L’air, la mer et le feu, dans la terre : et la terre 

Chez l’air, le feu, la mer. Car l’Archer du tonnerre 

Grand Mareschal de camp, n’avoit encore donné 

Quartier à chacun d’eux. Le ciel n’estoit orné 

De grands touffes de feu : les plaines esmailles 

N’espandoyent leurs odeurs : les bandes escaillees 

N’entrefendoyent les flots : des oiseaux les souspirs 

N’estoient encore portez sur l’aille des Zephirs.
Tout estoit sans beauté, sans reglement, sans flamme. »