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mercredi 12 mars 2014

663



« Frigidité, Argent, Menstruation, Infériorité, Masturbation, Mort et Abandon, les problèmes du jeudi finissaient par ne plus faire qu’un seul et immense problème. Chacun avait le sien, mais se trouvait quelque peu contaminé par ceux des autres. Qui avait le problème de la Mort commençait ainsi, au bout de plusieurs mois, à guérir du problème de la Menstruation, qu’il n’avait jamais eu ; qui était venu pour l’Argent se retrouvait bientôt avec le problème de la Frigidité, lequel pouvait estomper l’autre. C’était comme si, dans un navire en quarantaine pour cause de variole, on introduisait un équipage atteint de la peste ou du choléra : au bout d’un moment, le varioleux se préoccupe surtout de la dysenterie cholérique, et s’estime guéri s’il y survit. Dans l’analyse et dans la névrose (ces situations sont analogues), la contagion est véhiculée par le langage. La parole du névrotique, de l’analysant et de l’analyste exerce la même fonction que la parole du poète : elle crée une séduction et suscite une imitation. Comme c’étaient les meneurs qui parlaient, autrement dit les chefs de groupe et les malades en chef, c’est par leur modèle qu’on était séduit, c’est leur exemple qu’on imitait : au bouts de quelques mois, les membres d’un groupe voyaient tous leur état empirer au niveau de leur chef, après quoi ils commençaient à remonter péniblement la pente. L’arrivée d’un nouveau meneur-groupe-maladie provoquait alors une crise de rejet : on s’efforçait aussitôt de le tenir à l’écart, de l’isoler, de l’entourer des barbelés du silence, de lui interdire tout contact public ou clandestin. Comme si était montée à bord du navire en quarantaine une chiourme de tuberculeux, et qu’on leur eût dit : “Voici pour vous deux cabines, des latrines et une cuisine ; défense d’en sortir.” Si au cours d’une séance vouée à la Frigidité, à l’Argent, à l’Infériorité et à l’Abandon un représentant de la Castration ou du Pénis de la Femme venait à prendre la parole, l’auditoire serrait les rangs, ne lui laissait aucune place, négligeait ses questions, se préservait, tout en s’interrogeant : “De quel bacille est-il porteur, celui-là? Quelle maladie provoque-t-il? Ne me l’aurait-il pas déjà transmise? Comment faudra-t-il que je me soigne?” À bord du navire en quarantaine, le cholérique se demande au premier furoncle s’il n’a pas aussi la peste, et personne ne peut lui garantir qu’il n’en est pas atteint. »

lundi 10 mars 2014

662



« ll y a une joie sauvage, panique et totale, une joie préhistorique et animale à prendre possession d’un rêve de femme. Ce n’est pas comme faire l’amour avec elle. C’est bien davantage. En comparaison, l’acte sexuel - préliminaires et pénétration, caresses et insémination, orgasme - est d’une grande banalité. Tu ne connais pas une personne sous prétexte que tu vis avec elle, manges avec elle, fais l’amour avec elle. Tu ne la connais pas sous prétexte qu’elle se confesse à toi : des dizaines de confesseurs avaient entendu les hommes et les femmes qui venaient chez Bàart, sans pour autant les connaître comme Bàart les connaissait. On connaît quelqu’un quand on connaît ce qu’il imagine et ce qu’il rêve. C’est là qu’est son fin fond, son ressort secret, en un lieu qu’il ignore lui-même. »