« Frigidité, Argent, Menstruation, Infériorité,
Masturbation, Mort et Abandon, les problèmes du jeudi finissaient par ne plus
faire qu’un seul et immense problème. Chacun avait le sien, mais se trouvait
quelque peu contaminé par ceux des autres. Qui avait le problème de la Mort
commençait ainsi, au bout de plusieurs mois, à guérir du problème de la
Menstruation, qu’il n’avait jamais eu ; qui était venu pour l’Argent se
retrouvait bientôt avec le problème de la Frigidité, lequel pouvait estomper
l’autre. C’était comme si, dans un navire en quarantaine pour cause de variole,
on introduisait un équipage atteint de la peste ou du choléra : au bout
d’un moment, le varioleux se préoccupe surtout de la dysenterie cholérique, et
s’estime guéri s’il y survit. Dans l’analyse et dans la névrose (ces situations
sont analogues), la contagion est véhiculée par le langage. La parole du
névrotique, de l’analysant et de l’analyste exerce la même fonction que la
parole du poète : elle crée une séduction et suscite une imitation. Comme
c’étaient les meneurs qui parlaient, autrement dit les chefs de groupe et les
malades en chef, c’est par leur modèle qu’on était séduit, c’est leur exemple
qu’on imitait : au bouts de quelques mois, les membres d’un groupe
voyaient tous leur état empirer au niveau de leur chef, après quoi ils
commençaient à remonter péniblement la pente. L’arrivée d’un nouveau
meneur-groupe-maladie provoquait alors une crise de rejet : on s’efforçait
aussitôt de le tenir à l’écart, de l’isoler, de l’entourer des barbelés du
silence, de lui interdire tout contact public ou clandestin. Comme si était
montée à bord du navire en quarantaine une chiourme de tuberculeux, et qu’on
leur eût dit : “Voici pour vous deux cabines, des latrines et une
cuisine ; défense d’en sortir.” Si au cours d’une séance vouée à la
Frigidité, à l’Argent, à l’Infériorité et à l’Abandon un représentant de la
Castration ou du Pénis de la Femme venait à prendre la parole, l’auditoire
serrait les rangs, ne lui laissait aucune place, négligeait ses questions, se
préservait, tout en s’interrogeant : “De quel bacille est-il porteur,
celui-là? Quelle maladie provoque-t-il? Ne me l’aurait-il pas déjà transmise?
Comment faudra-t-il que je me soigne?” À bord du navire en quarantaine, le
cholérique se demande au premier furoncle s’il n’a pas aussi la peste, et
personne ne peut lui garantir qu’il n’en est pas atteint. »
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mercredi 12 mars 2014
lundi 10 mars 2014
662
« ll y a une joie sauvage, panique et totale, une
joie préhistorique et animale à prendre possession d’un rêve de femme. Ce n’est
pas comme faire l’amour avec elle. C’est bien davantage. En comparaison, l’acte
sexuel - préliminaires et pénétration, caresses et insémination, orgasme - est
d’une grande banalité. Tu ne connais pas une personne sous prétexte que tu vis
avec elle, manges avec elle, fais l’amour avec elle. Tu ne la connais pas sous
prétexte qu’elle se confesse à toi : des dizaines de confesseurs avaient
entendu les hommes et les femmes qui venaient chez Bàart, sans pour autant les
connaître comme Bàart les connaissait. On connaît quelqu’un quand on connaît ce
qu’il imagine et ce qu’il rêve. C’est là qu’est son fin fond, son ressort
secret, en un lieu qu’il ignore lui-même. »
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