lundi 7 novembre 2011

353



« Prends ton temps, ma fille. Plus elle mijote, meilleure est la compote. »

dimanche 6 novembre 2011

352



« Les livres sur le bonheur sont formels : nous sommes conçus pour croire que ce que nous désirons nous rendra heureux, mais conçus de telle sorte que la possession nous procure un bien maigre frisson. Vouloir est ce qu’avoir aspire à retrouver. »

samedi 5 novembre 2011

351



« Il s'était réveillé avant l'aube et regardait poindre le jour gris. Lent et presque opaque. Il se leva pendant que le petit dormait et il mit ses chaussures et enveloppé dans sa couverture il partit entre les arbres. Il descendit une anfractuosité de la paroi rocheuse et là il s'accroupit et se mit à tousser et il toussa pendant un long moment. Puis il resta agenouillé dans les cendres. Il leva son visage vers le jour pâlissant. Il chuchota :Es-tu là? Vais-je te voir enfin? As-tu un cou que je puisse t'étrangler? As-tu du coeur ? Maudit sois-tu pour l'éternité as-tu une âme Oh Dieu, chuchotait-il. Oh Dieu. »

vendredi 4 novembre 2011

350




女が左手の親指を塗り終えようとしている頃、暗い箱の中、仮死状態だった赤ん坊は全身に汗を掻き始めた。最初額と胸と腋の下を濡らした汗はしだいに全身を被って赤ん坊の体を冷やした。指がピクリと動き口が開いた。そして突然に爆発的に泣き出した。暑さのせいだった。空気は湿って重く二重に密閉された箱は安らかに眠るには不快過ぎた。熱は通常の数倍の速さで血を送り目を覚ませと促した。赤ん坊は熱に充ちた不快極まる暗くて小さな夏の箱の中でもう一度誕生した、最初に女の股を出て空気に触れてから七十六時間後に。赤ん坊は発見されるまで叫び続けた。

« Au moment où elle finissait d’étaler le vernis sur l’ongle de son pouce gauche, le bébé, au fond des ténèbres de sa boîte, à la gare, était déjà en état de mort apparente. La sueur qui commençait à perler de tous ses pores, inonda d'abord sont front, puis sa poitrine, ses aisselles, et refroidit tout son corps. Il remua alors les doigts, ouvrit la bouche et se mit soudain à hurler sous l'effet de la chaleur étouffante. L'air était humide, lourd, il était trop pénible de dormir enfermé dans cette boîte doublement hermétique. La chaleur intense, accélérant la circulation de son sang, l'avait réveillé. Dans l'insupportable fournaise de cette obscure petite boîte en carton, en plein été, il venant de naître une seconde fois, soixante-seize heures après être sorti du ventre de sa mère. Il continua à hurler de toutes ses forces jusqu'à ce qu'on le découvre. »

jeudi 3 novembre 2011

349



« Il existe une espèce de dicton - le néant habite l'être, et je comprends ce que ça veut dire, sauf que formulé dans ces termes c'est trop abstrait, trop philosophique. Plutôt rébarbatif, en plus - alors que ça ne l'est pas le moins du monde. John dirait que ça sonne mieux en français mais ce n'est pas ça. Ca sonne mieux quand on est au bord d'un champs de coquelicots transis et qu'on laisse venir le néant, comme ça, rien de fracassant, juste un néant prosaïque. Ca sonne mieux quand on ne le formule pas avec des mots, quand on ne le commente même pas, qu'on se contente de regarder et d'écouter pendant qu'il nous emporte - pas du tout un truc négatif, pas une condition existentielle, mais un genre d'éclosion, un évènement naturel. Une chose qui, lorsqu'elle finit par venir, n'a rien d'un coup d'éclat. La conscience qui s'épanche. Le rouge des coquelicots. La fraîcheur du matin. »

mercredi 2 novembre 2011

348



« Je me répétais une liste de mots apprise par coeur des années auparavant, une liste de noms de lieux canadiens. Je m'étonnai de m'en remémorer un si grand nombre. J'aimais alors les noms indiens, parce qu'ils paraissaient anciens et patinés, comme des galets polis par le cours d'un ruisseau, mais certains noms récents étaient beaux, eux aussi, chargés d'une vie neuve, des promesses que les pionniers s'étaient faites à eux-mêmes alors qu'ils parcouraient le pays en petits groupes : Vermilion Bay, Fort Hope, Fort Resolution. »

mardi 1 novembre 2011

347



«  Le même réflexe qui pousse un noyé à s’agripper aux roches glissantes me retint sur la ligne de séparation des genoux posés l’un sur l’autre. Les chairs légèrement comprimées produisaient un renflement vite effacé en lisière de la jupe ; on le devinait, plus haut sur la cuisse, gagner en importance et gonfler le tissu en une rondeur exquise. »

lundi 31 octobre 2011

346



«  Je me vis ouvrir, comme par hasard, la fenêtre qui me coupait du monde : la lune brillait de tout son éclat dans un ciel clair qui illuminait la montagne. M’échappant de la joyeuse compagnie qui tenait salon, je traversais le jardin de fleurs et d’orangers lorsqu’un bosquet, à mi-chemin entre la maison et les rochers, attira mes pas vers quelque marches creusées à même le roc. Par bonheur, je parvins à arpenter les cent premiers degrés de ce curieux escalier et atteignis mon premier refuge avant qu’un très sombre nuage, poussé par le vent du Nord, ne vînt voiler la face de la lune et éclipser la lumière qui m’avait servi de guide jusque là. Que me restait-il à faire ? Les marches étaient bien trop raides, bien trop précaires, bien trop irrégulières pour redescendre dans l’obscurité et, puisqu’il me fallait rester dans l’obscurité pour quelque temps, je me consolai en me disant que la lumière ne manquerait pas de revenir bientôt. »

dimanche 30 octobre 2011

345



« Je voudrais que les hommes blêmissent d'effroi en lisant mon livre, qu'il agisse sur eux comme un opium, comme un cauchemar, afin qu'il leur fasse perdre la raison, qu'on me maudisse, qu'on me haïsse, mais qu'on me lise... et qu'on se tue »

samedi 29 octobre 2011

344



« Quand j’ai su que je deviendrai aveugle, j’ai commencé à aimer la peinture. »

vendredi 28 octobre 2011

343



« Sans smoking, ma position eût été plus confortable. Dans ma vie je tombe à tous les coups pile sur les endroits les plus sordides. Il est cependant vexant pour un homme invité par le maire de la ville en personne à une réception dans une salle éclatante de lumière de se retrouver près de caisses puant le poisson pourri qu’entourent de vieux murs lépreux. »

jeudi 27 octobre 2011

342



« La vie en soi, l’existence en soi, tout est lieu commun. Lorsque, comme je le fais à présent, nous nous remémorons le passé, tout se règle peu à peu de soi-même. A perpétuité nous sommes en compagnie d’êtres qui ne savent pas la plus petite chose sur nous, mais prétendent continuellement tout savoir sur nous ; nos parents et nos amis les plus proches ne savent rien parce que nous-mêmes, nous ne savons pas grand chose à ce sujet. Toute notre vie, nous sommes en train de nous explorer, nous allons sans cesse à la limite de nos moyens intellectuels et nous renonçons. Nos efforts finissent dans l’inconscience totale et dans une dépression fatale, sans cesse mortelle. Ce que nous-même nous ne nous risquons jamais à prétendre, parce que nous sommes nous-mêmes effectivement incompétents, d’autres se risquent à nous le reprocher en négligeant à dessein ou non de voir tout de notre personne physique et morale. Nous sommes constamment des êtres rejetés par les autres qui, chaque nouvelle journée, doivent se retrouver, trier, assembler leur morceaux, se reconstituer. Nous portons nous-mêmes, à mesure que nous progressons en âge, un jugement de plus en plus sévère et il nous faut accepter, du côté opposé, un jugement deux fois plus sévère. »

mercredi 26 octobre 2011

341



« Nor the mind 

Swung on Hooves, Vexed on Hinges 

Ain.Do.Tri.Car.Cush.Shay. 
 


COCKEREL’S 
SHUNTING FLIGHT
to a dance 

to a Horse 

(Horses we kept) »

mardi 25 octobre 2011

340



« 
Am Abend, wenn die Glocken Frieden läuten,

Folg ich der Vögel wundervollen Flügen,

Die lang geschart, gleich frommen Pilgerzügen,

Entschwinden in den herbstlich klaren Weiten. 
 


Hinwandelnd durch den dämmervollen Garten

Träum ich nach ihren helleren Geschicken

Und fühl der Stunden Weiser kaum mehr rücken.

So folg ich über Wolken ihren Fahrten. 
 


Da macht ein Hauch mich von Verfall erzittern.

Die Amsel klagt in den entlaubten Zweigen.

Es schwankt der rote Wein an rostigen Gittern, 
 


Indes wie blasser Kinder Todesreigen

Um dunkle Brunnenränder, die verwittern,

Im Wind sich fröstelnd blaue Astern neigen. »

« Le soir, quand l’angélus au lointain sonne 

Je suis des oiseaux les vols mystérieux, 

Qui groupés, pareils à des pèlerins pieux, 

Disparaissent dans la clarté d’automne.  
 


Errant dans le demi-jour des jardins 

Je songe à leurs destinées si sereines 

Et ne sens plus bouger les heures qu’à peine.  

Je suis dessus les nuages leur chemin.  
 


Je tremble alors à l’odeur du déclin. 

Dans les branches à nu gémit le merle. 

Aux grilles rouillées ballottent les raisins,

 

Tandis qu’à l’entour d’obscures margelles 

Qui s’effritent, pâles enfants dansant leur fin 

Des asters bleus au vent frissonnant chancellent. »

lundi 24 octobre 2011

339



« Je suis un descendant de l’empereur Gaoyang1   un disciple talentueux du vieux Du Fu2

Je suis né le matin du 8 août 1954 dans la province du Yunnan en Chine 

Un plateau en retard sur la Nouvelle Société   là-bas le temps est le ventre flasque des bêtes 

Est le jaune d’un vieil œuf pelé couvé dans le ciel   là-bas 

Les hommes et les dieux vivent en voisins   vénérables propriétaires terriens    sa vérité est valable dans le monde entier 

C’est une belle chose   de descendre une montagne verte une source sur le dos   c’est une belle chose 

Que des meules de paille sur une plaine d’automne   c’est une belle chose   quand le piquant des duvets de pissenlit fait pleurer 

C’est une belle chose   qu’un tournesol épineux et une pelouse jaune sous les eucalyptus 

C’est une belle chose   un après-midi où les juments hennissent 

Que la jambe droite d’un homme entravée par un lantanier trébuche sur un morceau de batik 
 


Je suis déjà sur la route   vais-je le sortir 

Dans les bains publics de San Francisco   les organes incestueux de Ginsberg agonisaient 

Son dictionnaire a été oublié dans une valise orientale   en restant en retard sur les États-Unis il est devenu l’avant-garde de la poésie »

dimanche 23 octobre 2011

338



« Come let us mock at the great 

That had such burdens on the mind 

And toiled so hard and late 

To leave some monument behind, 

Nor thought of the levelling wind 
 

Come let us mock at the wise; 

With all those calendars whereon 

They fixed old aching eyes, 

They never saw how seasons run, 

And now but gape at the sun »

samedi 22 octobre 2011

337



« rentrée des chambres fermez 

les guillemets le microscopique Président pithécoïde 
dans sa redingote 
neuve(se hissant tout 
en haut de la tribune danse follement 
&&)& papote de la Paixpaixpaix (puis 
descend dégringolamment 
au milieu d’un tonnerre d’applaudissements antrhoropoïdes)conclue 

à propos de ce qui Paie cette 

extrêmement artistique flamme
qu’onn’éteindrajamais a 
-ménagée(très joliment pa- 
s vrai) en souvenir du malgré lui célèbre solda 
-t sans nom(a- 
vec le souci de ne pas nuire à la perspective environnante(pensée a 
-troce) par ailleurs impeccablement dessinée)ra- 
cole quelques modérément curieux a 
-rrosés par la pluie(et homme et femme 
Il créa 

eux,      Et toutes les bêtes des champs »

vendredi 21 octobre 2011

336



« je laisse, à qui reste, des aurores boréales, 

et rois des souris, et femmelette barbues ;

je laisse les chevaux de Phrysie et de Troie,  

la Juve, les virus, l’Otan, les virgules : 

et je laisse aussi loteries et auberges, 

rébus, rosaires, ouvre-boîtes et boîtes,  

disques d’Ellington, films avec la Vlady, 

diminutifs, tanches, vendredis : »

jeudi 20 octobre 2011

335



« Chacun fait la digue avec ce qu’il est, on marche côte à côte, on ne voit rien en entier : c’est ce qui manque qui forme contour, et c’est soi qu’on voit le moins ; on croise, on suit des chemins usés, on ne reconnaît rien : tout s’est effacé ; en se levant le pas dépose une trace, parfois nait là une sorte de rappel – la mémoire des pas sur le béton est faible. On n’est pas sûr de tenir tout entier en soi.  
On n’est pas fée, on allume le monde sans prétendre à rien ni rien demander, juste parce qu’on est là, alors qu’on n’espérait qu’un peu d’obscurité, et comme on porte tout ce qu’on voit, dans la lumière le monde s’achemine vers nos épaules, patiemment, irrémédiablement, projetant une ombre immense et noire sur nos propres pieds. »

mercredi 19 octobre 2011

334



« À un moment, une des lycéennes prononça le mot amour. L’intonation inouïe et la clarté de sa voix donna soudain à ce mot galvaudé s’il en est comme un sens nouveau. Je regardais toujours le petit poirier enveloppé de brume mais soudain la perception que j’en avais se trouva modifiée. Je n’étais plus le spectateur un peu distrait qui regardait l’arbre à distance mais – comment l’exprimer autrement – il n’y eut plus, d’un seul coup, l’arbre et moi, mais une seule et même "chose". Il n’y avait plus ni moi ni l’arbre, mais un même moi. »