« Dans son village de Lopatyny, le comte était supérieur à tout autre autorité officielle connue et redoutée des Juifs et des paysans, il était plus que le juge de la petite ville la plus proche, plus que le préfet de lui-même, plus que l’un de ces officiers supérieurs qui commandaient les troupes aux manœuvres annuelles, prenaient leurs quartiers dans les masures et les maisons, et qui représentaient cette puissance guerrière particulière aux grandes manœuvres, plus imposante que la puissance guerrière de la guerre elle-même. Il semblait aux habitants de Lopatyny que le titre de comte n’était pas seulement un titre de noblesse, mais aussi un très haut titre officiel. La réalité ne leur donnait pas tort non plus. »
dimanche 4 mars 2012
samedi 3 mars 2012
463
« Je ne sais pas. Il me semble que j’ai toujours pensé que l’amour m’attendait, que j’allais à sa rencontre, et que si par malheur je le manquais, j’aurais tout manqué avec lui. Qu’il n’y avait au fond rien d’autre que cela à attendre de la vie. »
vendredi 2 mars 2012
462
« - Pas de fond de six pieds, ni rats de cimetière :
Eux ils vont aux requins ! L'âme d'un matelot
Au lieu de suinter dans vos pommes de terre,
Respire à chaque flot. »
Eux ils vont aux requins ! L'âme d'un matelot
Au lieu de suinter dans vos pommes de terre,
Respire à chaque flot. »
jeudi 1 mars 2012
461
« Me persuadant que j'étais « assis sur le môle » ou au fond du « boudoir » dont parle Baudelaire, je me demandais si son « soleil rayonnant sur la mer », ce n'était pas - bien différent du rayon du soir, simple et superficiel comme un trait doré et tremblant - celui qui en ce moment brûlait la mer comme une topaze, la faisait fermenter, devenir blonde et laiteuse comme de la bière, écumante comme du lait, tandis que par moments s'y promenaient çà et là de grandes ombres bleues que quelque dieu semblait s'amuser à déplacer, en bougeant un miroir dans le ciel. »
mercredi 29 février 2012
460
« Personne n’est jamais mort dans un roman. Car personne n’existe dedans. Les personnages sont des poupées remplies de mots, d’espaces, de virgules, à la peau de syntaxe. La mort les traverse de part en part, comme de l’air. »
mardi 28 février 2012
459
« C'est un signe de faiblesse que de quémander une belle mort alors que, déjà, une belle vie, c'était beaucoup demander. »
lundi 27 février 2012
458
« Mais on change de merde. Et si toutes les merdes se ressemblent, ce qui n’est pas vrai, ça ne fait rien, ça fait du bien de changer de merde, d’aller dans une merde un peu plus loin, de temps en temps, de papillonner quoi, comme si l’on était éphémère. »
dimanche 26 février 2012
457
« La liberté, le bonheur du genre humain ? Mais c'est du fric qu'il s'agit, et de rien d'autre, du fric pour financer la guerre, et rien d'autre, et l'alimenter, et le genre humain peut toujours crever, faute de pain, esclave des machines et sous la coupe des politiciens et des fonctionnaires, qui ne brandissent plus le fouet comme les maîtres de naguère pour faire se courber les échines, mais on fait avancer les robots qui broient entre leurs mâchoires automatiques les réfractaires et les individus et dont l'anus également automatique, ne pisse pas du sang, ne rend pas des excréments mais éjecte des rondelles d'or en série, nettes, astiquées, brillantes, hypnotiques, exactement calibrées et du même poids : l'Unité. »
samedi 25 février 2012
456
« Le parfum de sa cravate noire et bleue lui rappela son avant-dernière maîtresse, une blonde aux jambes longues et minces et au nez planté de travers. »
vendredi 24 février 2012
455
« Tout a l'odeur de son odeur inodore ;
ça goutte, ça gicle, ça se déverse, ça jaillit,
son pas progressivement, mais pêle-mêle, aveuglément,
ça mouille biscuits, chapeaux de feutre et culottes,
ça stagne comme une flaque de sueur sous les roues du fauteuil roulant,
ça emplit les pissotières d'un flot saumâtre, et ça gargouille
dans les fours ; et puis ensuite c'est simplement là, humide et sombre,
calme, immobile, et ça monte tout simplement, lentement, lentement,
faisant remonter de petits objets, des jouets, des objets précieux,
des flacons pleins de liquides infâmes,
entraînant tout sans distinction dans ses tourbillons,
objets de caoutchouc, objets morts et brisés ; jusqu'au moment
Où tu la sens toi-même à l’intérieur de ta poitrine, » ça goutte, ça gicle, ça se déverse, ça jaillit,
son pas progressivement, mais pêle-mêle, aveuglément,
ça mouille biscuits, chapeaux de feutre et culottes,
ça stagne comme une flaque de sueur sous les roues du fauteuil roulant,
ça emplit les pissotières d'un flot saumâtre, et ça gargouille
dans les fours ; et puis ensuite c'est simplement là, humide et sombre,
calme, immobile, et ça monte tout simplement, lentement, lentement,
faisant remonter de petits objets, des jouets, des objets précieux,
des flacons pleins de liquides infâmes,
entraînant tout sans distinction dans ses tourbillons,
objets de caoutchouc, objets morts et brisés ; jusqu'au moment
jeudi 23 février 2012
454
« le groupe s’est défait (beauté décomposée) : c’était déjà dans leur musique qui n’arrête pas de se défaire, de s’effilocher, dans leurs vêtements où il manque toujours quelque chose, ils se sont sans arrêt défaits, leur belle défaite continue »
mercredi 22 février 2012
453
« Explorant mes terrains vagues, zones vouées à la pure potentialité, lieux de l'inconfort extrême où rien ni personne n'a de place assignée, j'avais le secret espoir que les notes désordonnées et contradictoires finissent par aboutir à un texte qui ressemble à cette terre mille fois retournée et mêlée de débris, à ces toiles d'araignée qui s'accrochaient aux oreilles et aux cheveux et à ces fruits poussant sans arrosage ni jardinier. »
mardi 21 février 2012
452
« La première fois qu'ils m'ont provoqué g senti monter en moi une boule de chaleur, je me suis obligé à garder les mains dans l'eau d'la vaisselle en serrant les poings car je sentais que j'allais exploser, et là je m'suis mis à avoir des vertiges et tt d'un coup je m'suis senti totalement vidé de tt contenu international (comme une méga chute de tension en fait). Alors je sens bien que qqch ne va pas. En fait je souffre et je fais souffrir tous ceux qui sont dans mon camp et qu'arrêtent pas d'dire que j'avais pas d'projet et qu'avec mes conneries g foutu la merde partout :-( »
lundi 20 février 2012
451
« Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l'air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s'arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d'atomes bleu tendre. La surface de la mer devint lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l'éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu'une seule coulée d'or. »
dimanche 19 février 2012
450
« De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé »
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé »
samedi 18 février 2012
vendredi 17 février 2012
448
« L'idée de meurtre évoque souvent l'idée de mer, de marins. Mer et marins ne se présentent pas alors avec la précision d'une image, le meurtre plutôt fait en nous l'émotion déferler par vagues. Si les ports sont le théâtre répété de crimes l'explication en est facile que nous n'entreprendrons pas, mais nombreuses sont les chroniques où l'on apprend que l'assassin était un navigateur, faux ou vrai et s'il est faux le crime en a de plus étroits rapports avec la mer. L'homme qui revêt l'uniforme de matelot n'obéit pas à la seule prudence. Son déguisement relève du cérémonial présidant toujours à l'exécution des crimes concertés. Nous pouvons d'abord dire ceci : qu'il enveloppe de nuées le criminel ; il le fait se détacher d'une ligne d'horizon où la mer touchait au ciel ; à longues foulées onduleuses et musclées il le fait s'avancer sur les eaux, personnifier la Grande-Ourse, l'Etoile Polaire ou la Croix du Sud ; il (nous parlons toujours de ce déguisement et du criminel) il le fait remonter de continents ténébreux où le soleil se lève et se couche, où la lune permet le meurtre sous des cases de bambous, près des fleuves immobiles chargés d'alligators ; il lui accorde d'agir sous l'effet d'un mirage, de lancer son arme alors qu'un de ses pieds repose encore sur une plage océanienne si l'autre déroule son mouvement au-dessus des eaux vers l'Europe ; il lui donne d'avance l'oubli puisque le marin « revient de loin » ; il le laisse considérer les terriens comme des plantes. Il berce le criminel. Il l'enveloppe dans les plis, étroits du maillot, amples du pantalon. Il l'endort. Il endort la victime déjà fascinée. »
jeudi 16 février 2012
447
« La nature, à y regarder de plus près, semble faite d’antipathies: sans quelque chose à haïr, nous perdrions le ressort même de la pensée et de l’action. La vie se changerait en une mare stagnante si elle n’était agitée par les intérêts discordants et les passions déréglées des hommes. »
mercredi 15 février 2012
446
« Les Américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie étaient de vrais gaillards ils mesuraient en moyenne 1m73 et si on avait pu les ranger bout à bout plante des pieds contre crâne ils auraient mesuré 38 kilomètres. Les Allemands étaient également de vrais gaillards mais les plus gaillards de tous étaient les tirailleurs sénégalais de la Première Guerre Mondiale qui mesuraient 1m76 et qu’on envoyait en première ligne pour que les Allemands soient pris de panique. On a dit de la Première Guerre Mondiale que les gens y tombaient comme des graines et les communistes russes ont calculé combien un kilomètre de cadavres pouvait donner d’engrais et combien ils économiseraient en coûteux engrais étrangers s’ils se servaient des cadavres de traîtres et de criminels. »
mardi 14 février 2012
445
そのころ流沙河の河底に栖んでおった妖怪の総数およそ一万三千、なかで、渠かればかり心弱きはなかった。渠に言わせると、自分は今までに九人の僧侶を啖った罰で、それら九人の骸顱が自分の頸の周囲について離れないのだそうだが、他の妖怪らには誰にもそんな骸顱は見えなかった。「見えない。それは爾の気の迷いだ」と言うと、渠は信じがたげな眼で、一同を見返し、さて、それから、なぜ自分はこうみんなと違うんだろうといったふうな悲しげな表情に沈むのである。
« Lors parmi les treize mille et quelques monstres qui gîtaient au fond des Sables Mouvants, pas un qui fût plus timoré que lui. À l’en croire, il s’était déjà enfilé neuf moines entiers et pour son châtiment neuf têtes de morts lui restaient accrochées au cou, ne les voyaient-ils pas ? Mais les autres monstres étaient tous d’accord pour ne rien voir de tel. “Tu te fais des idées, mon vieux”, disaient-ils ; incrédule, il les affrontait collectivement du regard, allons donc ! puis sombrait dans un air de mélancolie qui semblait demander : pourquoi suis-je donc tellement différent de vous tous ? »
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