« Ce n’est pas un homme mais un alguazil. Voyez
quelle façon de parler ! La question de l’un et la réponse de l’autre montrent
suffisamment que vous ne savez pas grand-chose. Et il faut signaler que si nous
les diables logeons dans les alguazils, ce n’est pas de notre plein gré mais
par force ; aussi, pour être dans le vrai vous devez m’appeler démon
enalguazilé et ne pas traiter celui-ci d’alguazil démoniaque. Et l’on ne
proclamera jamais assez que vous les hommes vous accordez mieux avec nous
qu’avec eux, car nous autres fuyons la croix et eux la brandissent14 pour faire
du mal. Qui oserait nier que nous remplissions le même office ? puisque, tout
bien considéré, nous œuvrons pour la condamnation, et les alguazils
pareillement ; nous poussons au vice et au péché partout dans le monde, et les
alguazils font de même mais avec plus d’acharnement encore car ils en tirent
leur subsistance, tandis que nous autres cherchons seulement à recruter. Et
dans cet office, les alguazils sont plus à blâmer que nous, attendu qu’ils font
du mal à leurs semblables, à des humains comme eux, contrairement à nous qui
sommes des anges, quoique déchus. Par ailleurs, nous sommes devenus démons pour
avoir voulu être plus que Dieu, et les alguazils sont alguazils parce qu’ils
veulent être moins que tous. En sorte, mon père, que tu te fatigues inutilement
en appliquant des reliques sur celui-là, car il n’est pas de saint qui, tombé
dans ses griffes, n’y reste pris. Dis-toi que les alguazils et nous appartenons
tous au même ordre, à cette différence près qu’ils sont diables chaussés et
nous diables récollets, vu que nous menons rude vie en enfer. »