mercredi 10 septembre 2014

717



« Et personne jusqu’alors n’avait pu décimer ce troupeau de fauves, de bêtes dangereuses qui, à n’importe quel moment, auraient pu nous détruire, sortir des bois, déferler sur les prés et venir nous dévorer. Et personne jusqu’alors n’avait songé à tuer ces animaux menaçants que, cependant, nous ne craignions pas, ces curieux animaux que nous aimions. »

lundi 8 septembre 2014

716



« Not easy to state the change you made.
If I’m alive now, then I was dead,
Though, like a stone, unbothered by it,
Staying put according to habit.
You didn’t just tow me an inch, no—
Nor leave me to set my small bald eye
Skyward again, without hope, of course,
Of apprehending blueness, or stars.
That wasn’t it. I slept, say: a snake
Masked among black rocks as a black rock
In the white hiatus of winter—
Like my neighbors, taking no pleasure
In the million perfectly-chisled
Cheeks alighting each moment to melt
My cheeks of basalt. They turned to tears,
Angels weeping over dull natures,
But didn’t convince me. Those tears froze.
Each dead head had a visor of ice.
And I slept on like a bent finger.
The first thing I was was sheer air
And the locked drops rising in dew
Limpid as spirits. Many stones lay
Dense and expressionless round about.
I didn’t know what to make of it.
I shone, mice-scaled, and unfolded
To pour myself out like a fluid
Among bird feet and the stems of plants.
I wasn’t fooled. I knew you at once.
Tree and stone glittered, without shadows.
My finger-length grew lucent as glass.
I started to bud like a March twig:
An arm and a leg, and arm, a leg.
From stone to cloud, so I ascended.
Now I resemble a sort of god
Floating through the air in my soul-shift
Pure as a pane of ice. It’s a gift. »

vendredi 5 septembre 2014

715



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« La morte non è
nel non poter comunicare
ma nel non poter più essere compresi.

La mort, ce n’est pas
de ne pas pouvoir se comprendre
mais de ne plus pouvoir être compris. »

mercredi 3 septembre 2014

714



« Je voulais que mes doigts de poupée pénètrent dans les touches. Je ne voulais pas effleurer le clavier comme une araignée. Je voulais m’enfoncer, me clouer, me fixer, me pétrifier. Je voulais entrer dans le clavier pour entrer à l’intérieur de la musique pour avoir une patrie. Mais la musique bougeait, se pressait. Quand un refrain reprenait, alors seulement s’animait en moi l’espoir que quelque chose comme une gare s’établirait ; je veux dire : un point de départ ferme et sûr ; un lieu depuis lequel partir, depuis le lieu, vers le lieu, en union et fusion avec le lieu. Mais le refrain était trop bref, de sorte que je ne pouvais pas fonder une gare puisque je n’avais qu’un train un peu sorti des rails, qui se contorsionnait et se distordait. Alors j’abandonnai la musique et ses trahisons parce que la musique était toujours plus haut ou plus bas, mais non au centre, dans le lieu de la rencontre et de la fusion. (Toi qui fus ma seule patrie, où te chercher ? Peut-être dans ce poème que j’écris peu à peu.) »

lundi 1 septembre 2014

713



« Hier pourtant, pendant des heures et des heures, j’ai perdu mon mécanisme humain. Si j’en avais le courage, je continuerais à me laisser égarer. Mais j’ai peur de ce qui est nouveau, peur de vivre ce que je ne comprends pas - il me faut toujours la garantie de pouvoir au moins réfléchir à ce que je ne comprends pas - je ne sais pas m’abandonner si je n’ai plus de repères. Comment expliquer que ce qui fait ma plus grande peur soit relié précisément à être ? Et pourtant c’est la seule voie. Comment expliquer que ce soit précisément vivre, quoi que j’aie à vivre, qui constitue ma plus grande peur ? Comment expliquer que je ne supporte pas de voir, uniquement parce que la vie n’est pas telle que je croyais mais tout autre - comme si j’avais su, avant ce qu’elle était ! Pourquoi est-ce que voir entraîne un tel bouleversement ? »

vendredi 4 juillet 2014

712



« Elle a un sourire pour sa fille, qui est calme, épuisée par les dernières semaines de folie où elle s'était mordu le bras jusqu'au sang, où, à moitié nue, elle s'asseyait sur les genoux d'inconnus, où elle avait peint sa chambre en noir et tenu tête au psychiatre, le gros Suisse matérialiste, fait-elle, et elle gonfle ses joues. Ce n'est qu'un répit, pas une délivrance, mère et médecin le savent. Qu'est-ce qu'il fiche sous la terre, cet idiot ? avait-elle demandé. Quand est-ce qu'il se décidera à remonter enfin de là ? Maintenant, elle insiste : raconte l'histoire encore une fois, une dernière fois. Elle mendie comme une gamine et sa mère répond : que veux-tu que je te raconte ? Elle songe à l'une de ses premières lettres : par les pouvoirs apostoliques que m'a conférés sa Sainteté le Pape Pie X, je t'autorise à venir sans culotte. Elle regarde sa fille, distraite. »

mercredi 2 juillet 2014

711



« Le souvenir des eaux mortes du lac, des cailloux fracturés du rivage, des neiges fondues du Mont Fuji-Yama et des fleurs de magnolia séchées m'apaisaient, me poussaient très sereinement vers ma propre disparition. J'avais vécu là le temps d'une rotation complète des saisons et ne m'imaginais plus les choses capables de revenir et de reprendre leur cycle tant elles s'étaient lentement délitées en moi, conduites par l'impérieuse voracité de la forêt. »

lundi 30 juin 2014

710



« Il se tient à la fenêtre. Et une voix dit : tout passe. Le bien et le mal. La joie et la peine. Tout passe. »

vendredi 27 juin 2014

709



« Et un match où les coups sont vraiment portés n’a jamais empêché d’éprouver sainement ceci : que l’adrénaline fait autant plaisir que le soleil de tous les jours ou quelques verres métaphoriques avant de mourir. »

mercredi 25 juin 2014

708



« dans la première ligne le poète s’imagine un organe sexuel dans la seconde ligne le poète ne s’imagine pas d’organe sexuel dans la troisième ligne le poète s’imagine comment le lecteur s’imagine un organe sexuel dans la quatrième ligne le lecteur s’imagine comment un organe sexuel s’imagine le poète »

lundi 23 juin 2014

707



« Odi te, quia bellus es, Sabelle. / Res est putida bellus et Sabellus. / Bellum denique malo, quam Sabellum. / Tabescas utinam, Sabelle belle ! »

« Tu es beau, mon gigolo ! / Et à gogo : c'est du beau ! / Beau à ce point-là : bobo ! / Et pour bientôt : Waterloo ? »

vendredi 20 juin 2014

706



« En fait, la tête ne manque pas. Là où elle devrait être, il y a, rond et dépassant du sol, quelque chose de plat. La chose plate se trouve dans un creux et elle est toute noire. L’enfant tend l’index et tapote au milieu, là où se voit un léger reflet argenté. La peur saisit l’enfant. La chose argentée est à la fois humide et dure au toucher. »

mercredi 18 juin 2014

705



 « Si tu as peur de la nuit. Saute dans le vide. Peur du rêve. Saute dans le vide. Si tu as peur de la mort. Fais le vide. Si tu as peur de toi. Tu sautes. Si tu as peur du sang. Dans le vide. Si tu as peur du vide. Le vide. Si tu as peur de la peur. Vide. Si tu as peur de la mort. Saute dans le sang. Si tu as peur du rêve. Saute dans la nuit. Si tu as peur de la nuit. Rêve. Si tu as peur des bêtes. Fais le vide. Peur du sang. Fais le saut. Dans le rêve. Le moi. Le vide. Vide. Saute. Corde. Cou. Vide. »

lundi 16 juin 2014

704



« And she forgot the stars, the moon, the sun,
And she forgot the blue above the trees,
And she forgot the dells where waters run,
And she forgot the chilly automn breeze;
She had no knowledge when the day was done,
And the new morn she saw not : but in peace
Hung over her sweet Basil evermore. »

vendredi 13 juin 2014

703



« Devenir un vrai poète, c'est devenir Dieu.
J'essayais de mon mieux d'expliquer ces choses à mes amis d'Heaven's Gate.
- Cul baiser foufoune pipi caca cul. Enfoiré !
Ils secouaient la tête en souriant, et finissaient par s'éloigner. Les grands poètes sont rarement compris par leurs contemporains. »

mercredi 11 juin 2014

702



« Les rescapés sont tombés le cul par terre ! Tout nus ! Ils étaient combien ? Peut-être quelques douzaines, dispersés dans les cinq continents. Plus nus que des vers parce qu'ils ne savaient plus rien faire ! Ils avaient des mains dont ils ne savaient plus se servir ! »

lundi 9 juin 2014

701



 « Le côté tragi-comique de la situation me bouleverse tout d'un coup. Je vais être père dans le système de Bételgeuse. Je vais avoir un enfant sur la planète Soror, d'une femme pour laquelle je ressens une grande attirance physique, parfois de la pitié, mais qui a le cerveau d'un animal. »

vendredi 6 juin 2014

700



« J'imaginais parfois la rédemption comme une éjaculation de papillons flottant par milliards dans un sperme d'or, issus de milliards de crânes humains et peints à la strychnine, à la suie et au safran. »

mercredi 4 juin 2014

699



« Et il y a toujours le soma pour calmer votre colère, pour vous réconcilier avec vos ennemis, pour vous rendre patient et vous aider à supporter les ennuis. Autrefois, on ne pouvait accomplir ces choses-là qu'en faisant un gros effort et après des années d'entraînement moral pénible. A présent, on avale deux ou trois comprimés d'un demi-gramme, et voilà. Tout le monde peut être vertueux, à présent. »

lundi 2 juin 2014

698



« Regardez-vous, regardez-vous donc vous-même : une épaule plus haute que l'autre, des jambes tordues, des pieds tout déformés ! Qu'avez-vous fait, qu'êtes-vous devenus à tant travailler ? Vous vous êtes abîmés. Nul besoin de tant travailler. »